Antoine Wiertz, né à Dinant le et mort le dans son atelier de la rue Vautier à Bruxelles, est un peintre, sculpteur et lithographe belge. Artiste marginal et hors-norme, il fut surnommé « le philosophe au pinceau ».
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Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique[1] ![]() |
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Artiste précoce, le jeune Antoine, âgé d’à peine dix ans, passait son temps libre à sculpter des grenouilles en bois dans la boutique de son père, tailleur d’habits à Dinant. Ses aptitudes pour les arts plastiques seront mises en forme auprès de Guillaume Herreyns et Mathieu-Ignace Van Brée à l'académie de peinture d'Anvers, où il est admis en 1820 grâce à une bourse d’études du roi Guillaume Ier des Pays-Bas. Le retour des œuvres de Pierre-Paul Rubens dans sa ville natale impressionne d’autant plus le jeune artiste qu’il se revendique haut et fort de l’esthétique baroque flamande.
Comme nombre de ses contemporains, son séjour en Italie – à la suite d’un prix de Rome obtenu en 1832 – lui bourre la tête de sujets mythologiques. Il ramène dans ses bagages une gigantesque toile applaudie à Anvers mais dédaignée au Salon de Paris de 1839, Les Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocle, où par ailleurs il est admis à présenter cinq autres toiles[2]. Wiertz en gardera une rancœur tenace à l’égard de la France, lui qui prétend « peindre des tableaux pour la gloire et des portraits pour la soupe ». En guise de pied de nez à ses détracteurs, il parvient à faire refuser une toile de Rubens maquillée sous sa signature par le jury du Salon de Paris, ainsi mystifié.
En 1842, alors établi à Liège, quai Sauvenière, il dessine sur pierre lithographique une copie de son tableau exécuté à Rome, Les Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocle. Cette lithographie est tirée par l'imprimeur bruxellois Pierre Degobert[3].
Après la mort de sa mère, modeste journalière mosane, il s’installe définitivement à Bruxelles, d’abord dans le vaste hangar d’une usine désaffectée de la rue des Renards où il peint Le Triomphe du Christ, La Belle Rosine, L’Enfant brûlé et La fuite d’Égypte que l’on retrouvera bientôt dans le chœur de l’église Saint-Joseph, quartier Léopold. Ses expositions remportent un franc succès mais il n’y vend rien, et pour cause. Estimant que ses œuvres n’ont pas de prix – « de pareilles œuvres se payent en millions ou ne se vendent pas… on meurt de faim, au besoin, à côté d’elles » écrit-il dans sa correspondance - Wiertz manie la dérision jusqu’à organiser une tombola dont le prix, remporté par un épicier du quartier, n’est autre que le fameux Patrocle. Sous le prétexte qu'elles n'étaient jamais finies, Wiertz refusait souvent de vendre ses œuvres.
Sa réputation aidant, il propose au ministre de l’Intérieur, Charles Rogier, de léguer son œuvre à l’État belge en échange du financement de la construction d’un atelier, assez vaste, commode et lumineux pour accueillir ses œuvres souvent de très grand format. À sa mort, il serait reconverti en musée ou en refuge artistique. Il a trouvé un terrain sur un remblai du chemin de fer du Luxembourg en plein chantier. Isolé et peu coûteux, il est à un jet de pierre d’un nouveau quartier, promis à un bel avenir. Antoine veut y édifier un temple humanitaire « dédié à la religion de l’avenir dont la Bible devait être la croyance au Progrès ». Prenant pour modèle un temple de Neptune qui l’a ébloui à Paestum, il en dresse les plans. Les façades de son vaste cube – 35 x 15 x 15 m – recouvert d’une verrière sont enserrées de colonnes grecques et curetées de niches à fresques destinées à vanter son œuvre. Clin d’œil du Destin, seul Le Démon de l’orgueil y sera peint. En fidèle gardien des deniers de l’État, les ministres lui allouent le budget au compte-gouttes au fur et à mesure de l’élévation de l’édifice en échange de tableaux toujours plus nombreux. Le Combat d’Homère, La Chute des anges, Le Triomphe du Christ et Le Phare du Golgotha tombent ainsi dans l'escarcelle de l'État.
Installé dans son ermitage, Wiertz s’inscrit désormais dans les combats philosophiques de son temps. Il prend la défense des petites gens contre la guerre (en témoignent ces toiles intitulées Napoléon aux enfers, De la chair à canon, Le Dernier Canon, La Paix), milite pour la démocratie et l’abolition de la peine de mort (La Vision d’une tête coupée). Soucieux de pédagogie, il rêve d’accrocher ses toiles pacifistes dans les gares, les hôtels de ville ou les palais de justice. Pour supprimer les reflets des tableaux exposés dans de telles conditions, il travaille sur une peinture mate, à base de térébenthine. Ses expériences n’aboutissent qu’à lui empoisonner le sang.
La sculpture Le Triomphe de la lumière, étudiée pour dominer le rocher de Dinant, est si proche de la statue de la Liberté, de Frédéric-Auguste Bartholdi, exécutée plus tard (New York, 1886), que certains parlent de plagiat de la part de ce dernier, même si aucune étude n'a été effectuée pour le prouver[4].
Pour vivre au quotidien, Wiertz se contentait de monnayer des portraits réalisés sur commande. Comme il l'écrivait à un de ses amis en 1839 : « Peindre des tableaux pour la gloire, des portraits en buste pour la soupe, telle sera l'occupation invariable de ma vie ». On ne sait toutefois pas précisément combien il réalisa de portraits de famille durant sa carrière. Une cinquantaine de portraits ont été recensés à ce jour par l'Institut royal du Patrimoine artistique.
« Cet atelier est comme un cerveau, avec ses pensées visibles, le grand mêlé au trivial, et çà et là, parmi la clarté, des trous d’ombre, des hantises hideuses, un effrayant cauchemar. De la cervelle humaine coule le long des murs, bouillonnante de vie et de pensée, et ailleurs semble figée sous un coup de folie. Le peintre, on le voit, est de la race des grands faiseurs de songes. »
— Camille Lemonnier, critique d'art belge (1844 - 1913)[réf. souhaitée]
Peintre rebelle, maniaque fantasque, exalté et idéaliste intransigeant, la réputation d’Antoine Wiertz est à la démesure de son atelier-musée, situé au no 65 de la rue Vautier à Bruxelles. Les toiles accrochées à ses cimaises impressionnent autant par leur taille que par leur réalisme terrifiant, dans la plus pure tradition de la peinture expressive et monumentale. Converti en musée après sa mort, l’atelier agit comme un aimant sur les curieux mais aussi sur les peintres qui s’installent volontiers dans le Quartier Léopold. Longtemps, sa proximité se révèle stratégique pour proposer des toiles à la vente ou obtenir des commandes.
L'atelier-musée n'attire guère aujourd'hui plus de 5 000 visiteurs par an[réf. souhaitée].
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