Des acteurs comiques ambulants (en espagnol : Los Cómicos ambulantes) est une œuvre du peintre espagnol Francisco de Goya. Réalisée à l'huile, sur fer-blanc, elle mesure 42,5 cm de haut et 31,7 cm de large et été peinte entre 1793 et 1794. Elle se trouve au musée du Prado à Madrid depuis 1962, acquise par l'État espagnol auprès d'un particulier pour la destiner au musée[1].
Artiste | |
---|---|
Date |
1793-1794 |
Technique |
huile sur fer-blanc |
Dimensions (H × L) |
42,5 × 31,7 cm |
Mouvement | |
No d’inventaire | |
Localisation |
Musée du Prado, Madrid (Espagne) |
Inscription |
modifier - modifier le code - modifier Wikidata
Des acteurs comiques ambulants est l'une des 14 peintures[3] à l'huile sur fer-blanc réalisées par Goya. Huit d'entre elles concernent la tauromachie (dont 6 ont lieu dans l'arène), tandis que les 6 autres sont sur des thèmes variés, catégorisées par lui-même comme « diversions nationales » (Diversiones nacionales)[4]. Elles ont été peintes entre 1793 et 1794, peu après qu'il est devenu sourd[1] en 1792 des suites d'une maladie inconnue qui marquera une étape importante dans la vie et l'œuvre de Goya, qui a désormais un caractère plus acide[5].
Goya les envoie à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando afin de recevoir quelque critique. Il les avait en effet peintes,
para ocupar la imaginación mortificada en la consideración de mis males, y para resarcir en parte los grandes dispendios que me han ocasionado.
« pour occuper l'imagination mortifiée à l'heure de considérer mes maux, et pour dédommager en partie le grand gaspillage qu'ils ont occasionné. »
Les retours seront très positifs, et ces huiles sur fer-blanc marqueront un renouveau dans l'art de Goya, en particulier grâce à l'utilisation d'un coup de pinceau plus relâché et empâté, très proche des Caprichos[5].
Des acteurs comiques ambulants est l'un des tableaux de petite taille que Goya a appelés « Divertissements nationaux » : ces peintures ne répondent à aucune commission et offrent ainsi toute liberté d'expression à l'auteur ; Goya dira d'ailleurs à Bernardo de Iriarte, alors vice-protecteur de l'Académie royale madrilène :
He logrado hacer observacio. A q. Regularmente no dan lugar las obras encargadas, y en que el capricho y la invención no tienen ensanches
« Je me suis rendu compte qu'en général il n'y a pas, avec les commandes, de place pour le caprice et l'invention[7] »
Toutes ces œuvres sont peintes à l'huile sur de fines lames de fer-blanc qui ont toutes plus ou moins les mêmes dimensions (autour de 40 × 30). Le support est couvert d'une impression rosacée appliquée sur un fond rougeâtre qui peut se noter dans certaines zones que Goya n'a pas couvertes. Pour ce tableau, Goya a d'abord dessiné une esquisse au crayon avant de le peindre, ainsi qu'on peut l'observer à l'œil nu[2].
Le tableau est une représentation d'une compagnie d'acteurs de la Commedia dell'arte sur une scène élevée et entourée d'un public anonyme. Ceux-ci sont Arlequin, qui jongle au bord de la scène et un Polichinelle nain en tenue militaire et saoul, afin de traduire l'instabilité du triangle amoureux entre Colombine, Pierrot et Pantalon. Ce dernier porte un bonnet phrygien des révolutionnaires Français aux côtés d'un aristocrate d'opérette habillé à la mode de l'Ancien Régime. Derrière eux, un nez sort d'entre les rideaux de fond[1],[5].
En premier plan, au bord de la scène, des figures grotesques tiennent une pancarte avec l'inscription « ALEG. MEN. » qui associe la scène à l’alegoría menandrea (« allégorie de Ménandre »), en consonance avec les œuvres naturalistes de la Commedia dell'arte et à la satire (Menandre étant un dramaturge de la Grèce classique de pièces satiriques et moralistes)[1],[2],[5]. L'expression alegoría menandrea est fréquemment utilisée comme sous-titre de l'œuvre[5] voire comme nom alternatif[2]. Par ailleurs, Manuela B. Mena Marqués et Juliet Wilson-Bareau associent les masques au-dessus de la pancarte ainsi que celle qui observe entre les rideaux, aux masques qui apparaissent à la page 28r du Cahier italien[2].
Cependant, une autre interprétation possible de « ALEG. MEN. » est, selon le musée du Prado[1] et Wendy Bird[8], l’alegoría menipea, qui exprime l'instabilité, le changement. La Satire Ménippée est un genre satirique important dans la littérature espagnole du XVIe au XVIIIe siècles, et familier de Goya. La nature carnavalesque de la Ménippée tient beaucoup à l'imagerie, ce qui est commun, dans le travail de Goya[8]. Selon Javier Huerta Calvo et Emilio Palacios Fernández, Arlequin ridiculise la classe moyenne — personnifiée ici par Polichinelle et les officiers de l'armée — et exalte la plus basse, avec les domestiques. Cela rapproche l'œuvre des traditions carnavalesques et donc probablement de la Satire Ménippée, qui est subversive aussi bien sur le fond que sur la forme, et qui se moque des hautes hiérarchies sociales et intellectuelles[9].
Toujours selon Bird, ce qui à première vue semble être une obscène satire carnavalesque sur le roi Bourbon espagnol Charles IV, sa reine Marie-Louise et leur dévoué Godoy — à partir des rumeurs populaires de l'époque les concernant — serait en fait, de l'utilisation du terme même d'« allégorie », et donc d'une autre signification en relation avec les événements récents contemporains, une représentation du roi Bourbon français Louis XVI, de Marie-Antoinette et de Godoy, qui avait essayé de les sauver de la guillotine[8]. D'autres spécialistes, tels que Tomlinson, considèrent que l'allusion au triangle amoureux ferait référence à la relation entre Manuel Godoy, Charles IV et Marie-Louise, épouse du roi, bien que ceci ne constitue pas l'argument principal de l'œuvre : cela crée une ambiguïté qui l'enrichit[2],[5].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Sur les autres projets Wikimedia :