Maximilian Maria Ernst, dit Max Ernst, né le à Brühl dans l'Empire allemand et mort le à Paris, est un peintre et sculpteur germano-américano-français dont l'œuvre se rattache aux mouvements dadaïste et surréaliste. Allemand de naissance, il acquit la nationalité américaine en 1948[1] puis française en 1958[2].
Max Ernst est le fils du peintre Philippe Ernst (1862-1942) et de Louise Kopp.
En 1909, il commence à étudier la philosophie à l'université de Bonn, mais il abandonne rapidement les cours pour se consacrer à l'art. Il rencontre les membres du Blaue Reiter en 1911 avec qui il expose à Berlin, en 1913. La même année, il fait la connaissance de Guillaume Apollinaire et Robert Delaunay, part pour Paris et s'installe dans le quartier du Montparnasse.
Durant la Première Guerre mondiale, il sert dans l'artillerie allemande, sur le front russe, puis en France[3]. En 1918, il épouse Luise Straus, historienne d'art, avec qui il aura un fils, Jimmy. Leur relation tumultueuse ne tiendra pas et le couple se sépare en 1922. Luise Strauss poursuivra sa carrière de journaliste avant de décéder dans un camp de concentration nazi vingt ans plus tard.
La période dadaïste et surréaliste
Démobilisé, Max Ernst demeure à Cologne et s'intéresse au mouvement Dada. En 1919, il rend visite à Paul Klee à Munich et crée ses premières peintures, impressions à la main et collages; il expérimente différents supports et matériaux. En 1920, il fonde le collectif ZentraleW/3 avec deux autres «stupides Occidentaux» («Weststupidien»), Jean Arp et Baargeld. Au mois de février, ils publient une nouvelle revue La Chamade (Dilettantes, unissez-vous!), avec quelques contributeurs français, au rang desquels André Breton, Paul Éluard et Louis Aragon. La deuxième exposition dada de Cologne (Dada-Vorfrühling) s'ouvre au mois d' à la brasserie Winter[4]. Il y expose les collages collectifs, rebaptisés plaisamment FaTaGaGa (FAbrication de TAbleaux GArantis GAzométriques), qu'il a réalisés avec Jean Arp. L'exposition déchaîne l'indignation: elle est fermée par la police pour trouble à l'ordre public et provoque la brouille de Max Ernst avec son père.
Avec son comparse Baargeld, Ernst organise la Première internationale dadaïste à Berlin à la fin du mois de . Quelques mois plus tard, en vacances à Tarrenz, dans le Tyrol, il y fait la connaissance de Tristan Tzara, et retrouve Hans Arp, Sophie Taeuber et André Breton.
L'enthousiasme provoqué auprès du futur groupe surréaliste (et en premier lieu auprès d'André Breton et Paul Éluard) par sa première exposition parisienne en 1921 à la galerie Au Sans Pareil le pousse à s'installer l'année suivante à Montparnasse, où il vit chez le couple Éluard. Il publie cette année-là Les Malheurs des immortels, suite de collages et de poèmes écrits par Paul Éluard. Soutenu par ce dernier, il exerce divers petits métiers tout en continuant de peindre.
En 1925, Max Ernst expérimente la pratique du «frottage»[5]: il laisse courir une mine de crayon à papier sur une feuille posée sur une surface quelconque (parquet ou autre texture). Cette technique, qui fait apparaître des figures plus ou moins imaginaires, s'apparente à l'écriture automatique des écrivains surréalistes. Elle donne lieu à la publication d'Histoire naturelle, portfolio de 34 frottages publié l'année suivante par les éditions Jeanne Bucher.
En 1926, il collabore également avec le peintre Joan Miró pour la création de décors pour les spectacles chorégraphiques de Serge de Diaghilev. Avec l'aide de Miró, Max Ernst se lance dans l'élaboration d'une nouvelle technique, le «grattage» du pigment directement sur la toile. Cette participation entraine lors de la première un chahut organisé par les surréalistes, André Breton déplorant que les deux peintres aient «pactisé avec les puissances d’argent»[6].
Max Ernst renoue avec la pratique du collage en 1929 avec La Femme 100 têtes (éditions du Carrefour), «roman-collage» réalisé à partir de gravures tirées de revues scientifiques et de romans populaires français de la fin du XIXesiècle. Si ce livre, légendé par Ernst lui-même et préfacé par André Breton, n'est pas le premier à raconter une histoire au moyen de collages[7], son ampleur (quelque 147 collages) est sans précédent. Un an plus tard, l'artiste donne à partir des mêmes sources un deuxième roman-collage plus bref, Rêve d'une petite fille qui voulut entrer au Carmel (éditions du Carrefour), qui se caractérise par des légendes plus narratives et un ton violemment anticlérical, tout le livre étant une parodie de la vie de la petite Thérèse de Lisieux. Ernst clôt ce cycle en composant au cours de vacances en Italie un troisième et dernier roman-collage, Une semaine de bonté (éditions de la galerie Jeanne Bucher, 1934)[8], qui propose 182 images cette fois-ci dépourvues de toute légende. Avec le groupe surréaliste, il participe d'octobre à au 6e Salon des surindépendants[9].
En 1934, au contact d'Alberto Giacometti, il commence à sculpter. En 1937, il rencontre Leonora Carrington avec qui il part vivre à Saint-Martin-d'Ardèche où il achète une maison qu'il décore de fresques et de bas-reliefs. Il illustre l'ouvrage La dame ovale de Leonora. En 1938, l'héritière américaine Peggy Guggenheim achète un bon nombre d'œuvres de Max Ernst qu'elle expose dans sa nouvelle galerie d'art à Londres[10]. La même année, Max Ernst quitte le groupe des surréalistes, refusant de se plier aux injonctions d'André Breton qui veut le convertir au trotskisme et le séparer d'Éluard.
La période américaine
Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en , Max Ernst est arrêté comme «étranger ennemi» et interné dans le camp des Milles près d'Aix-en-Provence en compagnie de Hans Bellmer, dont il dessine un portrait durant leur captivité. Au cours de cette période, il sera temporairement interné dans le camp de Loriol-sur-Drôme[11]. Des Alliberts, hameau de Saint-Martin-d'Ardèche, il écrit au préfet de l'Ardèche le pour solliciter un visa pour les États-Unis, qu'il obtient le (Archives de l'Ardèche). Avec l'aide du journaliste américain Varian Fry, fondateur du Comité américain de secours à Marseille en , il réussit à quitter le pays en compagnie de Peggy Guggenheim. Ils arrivent aux États-Unis en 1941. Accueillis par Jimmy, le fils de Max Ernst, ils voyagent à travers les États-Unis et se marient l'année suivante – là encore, le mariage sera de courte durée.
Max Ernst vit à New York où, au côté de Marcel Duchamp, André Breton et de nombreux intellectuels français[12],[13], il prépare le terrain à l'expressionnisme abstrait de peintres américains comme Jackson Pollock. Ernst expérimente d'ailleurs le dripping plus tard adopté par Pollock, en laissant couler sur une toile de la peinture à partir d'un récipient troué. En 1942, le magazine View, dirigé par le poète surréaliste américain Charles Henri Ford(en), lui consacre un numéro spécial. Ses expositions rencontrent cependant peu de succès.
Son mariage avec Peggy Guggenheim est un échec. En , il épouse Dorothea Tanning à Beverly Hills (Californie). Le couple Ernst-Tanning s'installe à Sedona (Arizona). Inspiré par la faune et la flore de la région, il crée des sculptures. En 1948, il est naturalisé américain[1], écrit le traité Beyond Painting, puis part voyager en Europe en 1950. Il expose ses travaux américains à la galerie René Drouin à Paris. En 1952, il devient satrape du Collège de 'Pataphysique.
Il décède le à son domicile parisien situé rue de Lille[14].
Plaque mémorielle apposée au no19 rue de Lille à Paris.
Tombe de l'artiste à Paris au cimetière du Père-Lachaise.
Le Punching Ball ou L'Immortalité de Buonarotti ou Max Ernst et Caesar Buonarotti, collage, photographie et gouache sur papier (17,6 × 11,4 cm), collection privée[16].
C'est le chapeau qui fait l'homme, collage sur papier, MoMA, New York[17].
Une exposition permanente à Seillans, la collection Max Ernst-Dorothea Tanning, conserve une partie des estampes réalisées durant les douze dernières années de sa vie et qui sont le reflet de ses procédés. Max Ernst a également fait don à la municipalité de Seillans d'une sculpture géante, Le Génie de la Bastille, qui est installée sur la place de la République.
, entre autres à Vailly-sur-Aisne. Cf. la lettre de Nadeau à Joë Bousquet, citée dans Maurice Nadeau, Grâces leur soient rendues: Mémoires littéraires, Paris, Albin Michel, , 482p. (ISBN978-2-226-33957-7, lire en ligne).
D'après le catalogue «Dada-Vorfühling», sur Bibl. de l'université de l'Iowa (consulté le ).
Une technique de relevé d'empreinte courante chez les archéologues.
Quelle vie!, publié en 1911 par deux auteurs britanniques, pourrait prétendre à un tel titre.
Philippe Dagen, «Max Ernst sublime l'art du collage», Le Monde, 8 avril 2008.
Collectif, Alberto Giacometti, catalogue d'exposition, Centre Pompidou, 2001.
Nicolas Devigne, Julia Drost et Ursula Moureau-Martini (dir.) (trad.de l'allemand), Max Ernst. L'imagier des poètes, Paris, PUPS, coll.«Monde germanique», , 296p. (ISBN978-2-84050-575-4, lire en ligne).
Rachelle Viennot Hüwel, «Le Jardin de France de Max Ernst, sépulcre inquiétant de Salammbô», La revue des musées de France. Revue du Louvre, no4, , p.91-101.
(es) «Chimère», sur Centre Pompidou (consulté le )
Daphné Bétard, «Max Ernst à la mandoline!», Beaux Arts, no414, , p. 30
«Zoomorphic Couple», sur The Guggenheim Museums and Foundation (consulté le )
Ulrich Bischoff, Max Ernst: 1891-1976, au-delà de la peinture, B. Taschen, (ISBN3-8228-0076-7 et 978-3-8228-0076-8, OCLC297152556, lire en ligne), p. 61
Reproduction dans Beaux arts magazine, no335, mai 2012, p.129.
Ludger Derenthal et Jürgen Pech, Max Ernst, Casterman, coll. «Diffusion N.E.F», 1992, 287 p. (ISBN978-2203451100).
Werner Spies, Max Ernst, vie et œuvre, trad. de l'allemand par Françoise Joly, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2007, 352 p. (ISBN978-2844263414).
Première édition en 2005, DuMont Literatur und Kunst Verlag, Cologne (ISBN978-2-84426-341-4).
Filmographie
Max Ernst, mes vagabondages, mes inquiétudes, réalisé par Peter Schamoni, co-produit par TFV, Aube Elléouët et Oona Elléouët, distribué par Seven Doc. Sorti en 2011.
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