Les Tournesols est le nom attribué à deux séries de peintures réalisées par Vincent van Gogh.
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La première est exécutée lors de son séjour à Paris en 1887, avec des tournesols posés sur une table. La seconde comprend six toiles réalisées lors de son séjour à Arles en (quatre tableaux) et en (deux copies qu'il appelle les répétitions) ; elle représente des bouquets de tournesols dans des vases. Une septième toile du sujet, d'attribution controversée lui est en outre attribuée.
On sait peu de choses des activités de Vincent van Gogh durant les deux années où il vit avec son frère Théo à Paris, entre 1886 et 1888. Il réalise une première série de tournesols posés devant lui.
Dans une lettre à son frère datée d', alors qu'il est installé à Arles, il évoque un détail de ce séjour parisien qui lui inspire la série des Tournesols : « A côté de ton magasin, dans le restaurant, tu sais bien qu’il y a une si belle décoration de fleurs là, je me rappelle toujours le grand tournesol dans la vitrine. » Il s'agit d'un restaurant appartenant à la chaîne Duval qui, en 1900, portera le nom Le Soleil, d'après une photographie de l'époque. Il est situé à côté de la galerie Boussod et Valadon, anciennement Goupil & Cie, qui emploie Theo comme directeur de succursale, au 21 boulevard Montmartre[1].
« Je suis en train de peindre avec l'entrain d'un Marseillais mangeant la bouillabaisse ce qui ne t'étonnera pas lorsqu'il s'agit de peindre des grands Tournesols. »
— Vincent van Gogh, Correspondance Générale : Tome III, Gallimard, Paris, 1990
En , alors qu'il habite à Arles, Vincent van Gogh réalise une peinture représentant un vase avec douze tournesols, ainsi qu'un vase avec quatorze tournesols, selon ses descriptions, mais dans lesquels on dénombre respectivement quatorze et quinze fleurs. Par commodité et respect, il est préférable de reprendre les titres qu'il a lui-même donnés à ses toiles[réf. nécessaire]. L’artiste a toujours considéré ces deux derniers tableaux de la série de l'été 1888 comme des pendants ; il songera même plus tard à les encadrer aux côtés de La Berceuse (Augustine Roulin), afin de créer un triptyque symbolisant la gratitude[2],[3],[4].
Alors qu'il en est à la troisième de ses natures mortes à l'huile sur toile de tournesols dans un vase, il résume dans une lettre à son frère Théo, datée du : « J'ai 3 toiles en train, 1) 3 grosses fleurs dans un vase vert, fond clair (toile de 15), 2) 3 fleurs, une fleur en semence et effeuillée & un bouton sur fond bleu de roi (toile de 25), 3) douze fleurs & boutons dans un vase jaune (toile de 30). Le dernier est donc clair sur clair et sera le meilleur j'espère. Je ne m'arrêterai probablement pas là. »[5]. Malheureusement, les fleurs étant fanées, Vincent ne créera plus de nouvelle composition du sujet. Il n'évoquera que les répétitions de ses deux derniers bouquets peints en .
La série de 1888 a été réalisée dans cet ordre :
Au départ, Van Gogh conçoit cette série en vue de décorer son atelier qu'il s'apprête à partager avec Paul Gauguin. « Dans l'espoir de vivre dans un atelier à nous avec Gauguin je voudrais faire une décoration pour l'atelier. Rien que des grands Tournesols. [...] Enfin si j'exécute ce plan il y aura une douzaine de panneaux. Le tout sera une symphonie en bleu et jaune donc. J'y travaille tous ces matins à partir du lever du soleil. Car les fleurs se fanent vite et il s'agit de faire l'ensemble d'un trait. »[5]
Paul Gauguin s'installe dans la Maison jaune avec Vincent van Gogh à partir du . Il sera impressionné par les deux dernières toiles de Tournesols que Vincent a finalement accrochées dans sa chambre. Au grand plaisir de l'artiste néerlandais : il dira de la dernière, à fond jaune, qu'elle est « une page parfaite d’un style essentiellement Vincent ». Les deux peintres ont des conceptions de l'art parfois très différentes, qui génèrent de nombreuses disputes entre eux et aboutissent au départ de Paul Gauguin le . Malgré tout, celui-ci reste admiratif de cette série et, dans une lettre, il lui demandera sa toile à fond jaune… que Van Gogh lui refusera[3],[4],[8].
Arrangeant, et pour faire à Gauguin « un plaisir d'une certaine force », Van Gogh peindra cependant, fin janvier, une copie de chacun des originaux de la chambre de Gauguin en vue d'un échange avec lui, des "répétitions absolument équivalentes et pareilles". Il l'écrit à Theo dans sa lettre du qui nous indique incidemment que Van Gogh possède « 2 épreuves » de chaque, comme pour la Berceuse. Il n'a donc pas d'autre copie à cette date : « Je crois t’avoir déjà dit qu’en outre j’ai une toile de Berceuse, juste celle que je travaillais lorsque ma maladie est venue m’interrompre. De celle-là je possède également aujourd’hui 2 épreuves. »
Les deux répétitions peintes pour Gauguin sont :
La sixième toile, conservée à la National Gallery de Londres, est la cible, le , d'un jet de soupe de tomate par deux militantes écologistes du mouvement Just Stop Oil. Abritée par une vitre, la toile, en ressort intacte tandis que son cadre n'est que très légèrement endommagé[10].
La septième toile de Tournesols ou troisième répétition, copie de la version de la National Gallery, mise en cause par de nombreux experts depuis le milieu des années 1990, n'a donc pas été peinte par Van Gogh avant cette date, contrairement à ce qu'ont soutenu ses défenseurs qui, négligeant le décompte de Van Gogh, ont supposé une réalisation en .
La composition des tableaux est d'une extrême simplicité. Couleurs et contours délimitent les différents espaces : le fond de la pièce, le plan d'appui et le vase. Alors que tout ce qui entoure les bouquets fait l'objet d'un traitement sobre, presque sommaire, les tournesols bénéficient d'un soin pictural minutieux[12]. Cette opposition entre simplicité formelle et la puissance chromatique tire son origine de l’art de l’estampe japonaise, très influent sur le travail de Vincent van Gogh ; elle laisse également transparaître un lien avec le mouvement du cloisonnisme, cher à Gauguin et à l'école de Pont-Aven[2]. Les tableaux sont innovateurs pour l'époque par l'utilisation d'un large spectre de jaunes, rendue possible par l'invention de colorants[3].
« Mais évidemment, j’ai peint de nombreuses autres études ou peintures pendant tout ce temps. Entre autres cet été, deux fleurs avec rien que des tournesols dans un pot en terre cuite jaune. Peint avec les trois jaunes de chrome, l'ocre jaune et le vert "véronèse" et rien d'autre. »
— Vincent van Gogh, Lettre à Arnold Koning du 22 janvier 1889[13].
Avant ses toiles arlésiennes, Vincent van Gogh avait déjà peint des tournesols aux Pays-Bas, (toile perdue), puis à Paris en 1887 dans les toiles comme Lotissement avec tournesols, Abri avec tournesols et Tournesol en graines, aujourd'hui dans la collection du Musée Van Gogh d'Amsterdam.
Lors de son séjour à Paris (1886-1888), Vincent van Gogh s'est exercé à la maîtrise de la couleur. Il dit n'avoir pratiquement rien peint d'autre que des natures mortes de fleurs à son arrivée en 1886. Il revendiquera sa prise de guerre :
« Si Jeannin a la pivoine, Quost la rose trémière, moi, avant les autres, j'ai pris le tournesol. »
— Vincent van Gogh, Lettre à Paul Gauguin, 21 janvier 1889.
En 2014, le Musée Van Gogh d'Amsterdam réalise une radiographie aux rayons X de sa version des Tournesols. Les radiographies montrent un travail au pinceau de Van Gogh appliqué vigoureusement et rapidement, révélant ainsi des indices sur son exécution. La peinture la plus épaisse est visible dans les têtes de tournesols elles-mêmes. L'analyse révèle également que Vincent a ajouté une bande de bois supplémentaire, d'environ 3 cm de large, pour étendre la toile de la version Amsterdam, peut-être en raison des dimensions du cadre prévues. Sans cette bande, les deux toiles sont pratiquement identiques (format standard français, dit « toile de 30 »). Le tableau s'avère très fragile, sensible à la luminosité et l'humidité[14] ; en 2019, le musée prend la décision de ne plus le déplacer[15].
Dans le tableau de la National Gallery de Londres, la structure interne montre que Vincent a travaillé avec un espace initial non peint laissé en réserve pour une grande partie du bouquet de tournesols, défini d'abord comme un dessin au trait sommaire. Il a ensuite posé le fond peint uni, le finissant avec d'autres contours de peinture après que la majorité des fleurs ont été appliquées en couche épaisse. Van Gogh a suivi le même schéma général en créant la version d'Amsterdam[3],[14].
En 1887, deux toiles sont exposées au restaurant le Grand Bouillon, avenue de Clichy à Paris. Paul Gauguin se les procure en les échangeant contre un de ses tableaux. Il exposera plus tard les deux toiles au-dessus de son lit, de la rue Vercingétorix[12].
En 1891, l'écrivain Octave Mirbeau achète le premier bouquet arlésien au père Tanguy, le fournisseur de peinture de Vincent van Gogh, pour 300 francs (900 euros de 2020)[16].
Les 4 et , l'armée américaine bombarde le Japon. La toile Vase aux cinq tournesols disparaît dans un incendie à Ashiya. Le tableau avait été acheté par Koyta Yamato en 1921. En 1922, le tableau est exposé à deux reprises. C'est au cours de sa seconde exposition, à Osaka, que le cadre extrêmement lourd du tableau tombe, endommageant le châssis, sans heureusement toucher la peinture elle-même. Yamato refuse donc par la suite que le chef-d'œuvre soit à nouveau exposé. On pense que le lourd châssis a joué un rôle dans la destruction du tableau au cours du bombardement américain, car il n'a pu être déplacé en raison du poids du cadre[7],[16],[17].
En , le magnat japonais de l'assurance Yasuo Goto achète l'un des tableaux pour l'équivalent de 40,8 millions d'euros lors d'une vente aux enchères chez Christie's à Londres, prix qui constitue à l'époque un record pour une œuvre de Van Gogh[11],[16]. La polémique sur l'authenticité de la toile fera rage dix ans plus tard.
En octobre 2022, le tableau Vase avec quatorze tournesols exposé à la National Gallery de Londres, est victime de vandalisme. Deux militantes écologistes du groupe Just Stop Oil ont en effet vidé deux boîtes de conserve de soupe à la tomate sur l'œuvre - protégée par une vitre - pour alerter sur la crise climatique[18]. D'après la National Gallery, le cadre a subi des « dégâts mineurs » mais le tableau est « intact »[19].
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