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Les guerriers ou bronzes de Riace sont deux sculptures grecques en bronze datées du Ve siècle av. J.-C. (vers 460 pour le guerrier A et vers 430 pour le guerrier B) et conservées au musée national de Reggio de Calabre. Un peu plus grands que nature (1,98 mètre de haut pour le guerrier A, 1,99 mètre pour le guerrier B), ils furent découverts en 1972 au large de Riace, en Calabre, probablement sur les lieux d'un naufrage dans l'Antiquité. Ils comptent parmi les très rares bronzes grecs de grande taille encore conservés dans leur intégralité, comme l'aurige de Delphes et le dieu de l'Artémision.

Bronzes de Riace
Artistes
Grecs, inconnu
Date
ou vers entre et
Civilisation
Grèce antique
Type
Grèce antique
Matériau
bronze
Localisation
Musée national de la Grande-Grèce, Riace

Découverte


Stefano Mariottini, un chimiste venu de Rome, découvrit les statues en août 1972 lors de séances de plongée à la fin de vacances à Monasterace. Il évoluait à quelque 200 mètres de la côte de Riace, à six ou huit mètres de profondeur lorsqu'il remarqua le bras gauche d'une des statues émergeant du sable. Il crut tout d'abord être tombé sur les restes d'un cadavre mais lorsqu'il toucha le bras, réalisa que celui-ci était en bronze. Il commença alors à déblayer le sable tout autour de la statue. Plus tard, il remarqua la présence d'une autre statue de bronze, à proximité et décida d'appeler la police. Une semaine plus tard, le , cette deuxième statue fut tirée de l'eau, et deux jours plus tard ce fut le tour de la première. Aucune épave de navire pouvant avoir quelque lien avec ces statues n'a été découverte à proximité mais dans les parages de cette côte sédimentaire, des restes de constructions ont été repérés.


Description et datation


Article connexe : Nu dans la Grèce antique.

Les deux guerriers sont des hommes nus, debout et barbus. Ils sont dans une posture de contrapposto, et montrent bien son évolution : alors que le torse du guerrier A est encore vertical malgré son appui sur une seule jambe, celui du guerrier B se courbe, la ligne des épaules s'opposant à celle des hanches. Cette différence permet d'affirmer que les deux sculptures ne sont pas contemporaines : le guerrier A, qui peut être par exemple rapproché du petit Éphèbe de David-Weill (v. 470 av. J.-C., musée du Louvre), est datable de 460 av. J.-C., soit environ vingt ou trente ans avant le guerrier B, plus proche des œuvres de Polyclète (Diadumène, Doryphore).

En fonction de leurs techniques de fusion on a pu déceler que les deux statues ont été réalisées en Grèce antique, en Attique pour le bronze A et en Argolide pour le bronze B[1].


Technique


Les deux guerriers sont des témoins de l'évolution qui a lieu dans les techniques de bronze dès la fin du VIe siècle av. J.-C. : ils sont réalisés selon la technique de la fonte à la cire perdue sur négatif, technique qui permet de conserver le modèle et le moule, et d'obtenir une épaisseur de bronze plus régulière.


Le guerrier A


Guerrier A : H. 1,98 m. Vers 460 AEC[2]

Chez le guerrier A, on note des joints de soudure au niveau du cou, sous les épaules, aux poignets, à mi-pied et pour les orteils médians[3]. Le corps en lui-même a été fondu d'un seul jet[4].

La chevelure, extrêmement plastique et ample, n'est constituée que de mèches fondues à part (à la cire perdue sur positif) et rapportées par soudure. Il semble donc que le fondeur, qui devait également être le sculpteur, ait utilisé un modèle auxiliaire pour prendre l'empreinte du corps sans les cheveux, puis ait façonné les mèches et les ait ajustées au modèle principal avant de les découper pour les fondre[5].

Comme dans le cas du dieu de l'Artémision, les soudures, au niveau des poignets, des épaules et de l'orteil médian tout au moins, ont été réalisées en cuvette. Pour cela, le bronzier a creusé à la limite de chaque partie à assembler une demi-cuvette, où il a ensuite coulé du bronze. Cette technique, qui augmente la surface de contact, permet également de disposer avec les cuvettes d'un réservoir à chaleur et ainsi, de mieux chauffer les deux pièces à assembler.

L'armature en fer de la statue dépasse du pied, et servait à la fixer sur sa base en pierre. Du plomb a été introduit dans la cavité pour la maintenir.

Le traitement du visage du guerrier A dénote une recherche de polychromie et un grand raffinement technique. On trouve ainsi pour les lèvres des incrustations d'un alliage riche en cuivre, donc très rouge et laissé brut de coulée, sans polissage, tandis que sur les dents est déposée une feuille d'argent. Les lèvres sont elles-mêmes recouvertes des poils de la moustache en bronze. Il a donc fallu tout d'abord modeler la tête imberbe en cire, en ôter la bouche, la fondre puis la réinsérer dans le modèle, avant de disposer les poils de la moustache et la barbe au-dessus. Plusieurs exemples de couches, retrouvées à Olympie, montrent que cette pratique d'incrustation était relativement fréquente.

Les globes oculaires du guerrier A sont en ivoire, recreusé pour y introduire l'iris (disparu), qui disposait sans doute lui-même d'une cavité pour la pupille.


Guerrier B


Guerrier B : H. 1,99 m.
Vers 430 AEC[2]

Essais de reconstitution


Reconstitution expérimentale des guerriers de bronze de Riace comme Erechthée et Eumolpos (Liebieghaus Polychromy Research Project, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann)
Reconstitution expérimentale des guerriers de bronze de Riace comme Erechthée et Eumolpos (Liebieghaus Polychromy Research Project, Vinzenz Brinkmann, Ulrike Koch-Brinkmann)

Le "Projet de recherche sur la polychromie Liebieghaus" de Francfort a communiqué, en 2019, dans la revue scientifique Techne[6], les résultats de ses recherches sur les bronzes de Riace, dans deux copies tridimensionnelles en bronze à l'échelle 1 et dans leurs images 3D, virtuelles.

La restitution des éléments aujourd'hui disparus est proposée par les chercheurs[7]. Ainsi le bronze Riace A n'avait sans doute mis un casque dit « corinthien » sur son crâne que dans une pose relâchée, rejetée en arrière. De plus, en raison de la position du bras gauche et de la forme de la main droite, non seulement les boucliers (bouclier rond pour Riace A, pelta pour Riace B), mais aussi les armes (Riace A : lance, Riace B : hache de combat) ont pu être restitués selon un axe probable. Les visages ont pu retrouver, dans cette simulation, les éléments partiellement disparus dans les yeux. Les lèvres, les dents et les pointes des seins ont retrouvé l'intégralité de leurs métaux colorés, reluisants.

Pour la récupération du couvre-chef perdu de Riace B, la situation initiale était beaucoup plus complexe. Cependant, les traces matérielles, les détails techniques – après un examen détaillé – ont eu une grande importance. L'expérience montrait que l'ajout d'un bonnet en peau de renard pouvait expliquer toutes les caractéristiques techniques sur le front, le haut et le dos de la statue de Riace B. Les bonnets en fourrure de renard sont le couvre-chef typique des Thraces vivant dans le nord de la Grèce. Dans l'art grec, les membres de cette immense ethnie se caractérisent par ces alopekis, mais aussi par des manteaux courts et des embades (bottes de fourrure). De temps en temps, par exemple sur la frise du Parthénon, des citoyens athéniens apparaissent également habillés en costume thrace.

La forme conique non naturelle de la partie supérieure du crâne aura été utilisée pour ajuster le bonnet du capuchon en peau de renard. Ce dispositif pouvait également imiter le caractère souple du capuchon en métal. Quelques éléments qui subsistent encore, la limite entre partie "finie" et partie laissée inachevée, trouvent une justification dans cette solution du bonnet-capuchon thrace qui s'adapterait parfaitement ici. L'indice le plus pertinent consistant en une feuille de bronze soudée à la nuque. À en juger par l'aspect inachevé de sa surface, elle n'était pas destinée à être vue, et plus tard elle aura été partiellement arrachée.

« Riace B doit donc être interprété comme un héros thrace de la mythologie grecque à cause de son bonnet en peau de renard et sa nudité. Puisqu'il a été représenté comme étant en lutte avec un héros grec (Riace A avec un casque grec), il ne peut s'agir que du roi thrace Eumolpos, fils de Poséidon et fondateur des Mystères d'Éleusis, qui a été vaincu dans le combat qui l'opposait au roi athénien Erechthée. Tous les autres hommes thraces de la mythologie antique sont exclus, car ils ne sont jamais représentés dans une bataille ouverte avec un héros grec. Or Pausanias nous apprend qu'un groupe de sculptures représentant Érechthée et Eumolpos, juste avant leur bataille, avait été placé sur l'Acropole d'Athènes. Nos recherches nous amènent à la conclusion convaincante que les originaux de ce groupe ont été conservés dans les deux guerriers de bronze de Riace. »[8].

Concernant l'aspect de la peau, des traces nombreuses de sulfures sur d'autres bronzes antiques ont laissé supposer la possibilité d'une patine contenant ce produit, avant qu'ils ne soient enduit plusieurs fois d'une fine solution de vernis à base d'asphalte, d'huile de lin et de garance[9]. Après quoi le bronze prend une teinte un peu sombre ; une couleur de peau d'homme blanc exposée au soleil, bronzée. L'usage d'une patine aura semblé nécessaire dans l'Antiquité, car un bronze soumis aux intempéries s'oxyde très rapidement.

D'autre part, les bronziers de l'antiquité ont exploré des techniques propres à rivaliser par la couleur avec celles manipulées par les peintres. Ici, pour prendre un exemple qui subsiste aujourd'hui, la couleur de la peau se distingue de celle de la moustache du guerrier A par un alliage cuivreux plus riche en étain[10].


Références


  1. « The Riace bronzes », sur Museo Archeologico Reggio Calabria (consulté le ) et . Voir aussi
  2. Museo Archeologico Reggio Calabria, 2021.
  3. Ce détail des orteils fondus à part, sans doute motivé par des raisons techniques, se retrouve dans d'autres exemples, mais n'est pas encore expliqué.
  4. Sur les questions techniques concernant ces bronzes : E. Formigli, « Due bronzi da Riace. Rinvenimento, restauro, analisi ed ipotesi di interpretazione », Bollettino d'Arte, 3, série spéciale, 1984, p. 130 et 132, fig. 30.
  5. La Tête de Philosophe de Porticello (v. 460-450 av. J.-C., musée national de Reggio de Calabre) provenant de la cargaison d'un bateau, qui la transportait peut-être pour une refonte, a une chevelure réalisée selon le même principe, mais une partie de ses mèches ont disparu, laissant la soudure visible. On ne connaît pas d'exemple de cette technique avant le milieu du Ve siècle av. J.-C., mais les spécialistes s'interrogent sur sa date de naissance.
  6. Techne : Revue scientifique de caractère interdisciplinaire consacrée à l’étude et à la préservation du patrimoine culturel matériel.
  7. (en) Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann, « The experimental reconstruction of the bronze warriors of Riace as part of the Frankfurt “Liebieghaus Polychromy Research Project” », Techne, no 48 « Les couleurs de l'antique : IV. Couleurs antiques et restitutions expérimentales modernes », , p. 120-132 (lire en ligne, consulté le ).
  8. Traduction partielle du texte des auteurs précités : [[#Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann, 2019|Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann, 2019]].
  9. La composition de ce vernis est pour une part inspirée de Pline, Histoire Naturelle 34.99. Cité par Vinzenz Brinkmann et Ulrike Koch-Brinkmann, 2019
  10. Descamps-Lequime S., 2006, “La polychromie des bronzes grecs et romains”, in A. Rouveret, S. Dubel, V. Naas (eds.), Couleurs et matières dans l’Antiquité. Textes, techniques et pratiques (Études de Littérature Ancienne 17), Éditions rue d’Ulm, Paris, p. 79-92. (ISBN 2-7288-0362-5), (2016 : (ISBN 978-2-7288-0552-5)), sudoc : https://www.sudoc.fr/100500498

Voir aussi



Bibliographie



Articles connexes



Liens externes


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На других языках


[de] Bronzestatuen von Riace

Die Bronzestatuen von Riace sind zwei griechische Bronzefiguren aus der Mitte des 5. Jahrhunderts v. Chr. Sie befinden sich seit 1981 im Museo Nazionale della Magna Grecia in Reggio Calabria.[1] Die beiden Statuen stellen Männer dar, die ursprünglich wohl bewaffnet und mit Kopfbedeckungen versehen waren.

[en] Riace bronzes

The Riace bronzes (Italian: Bronzi di Riace, [ˈbrondzi di riˈaːtʃe]), also called the Riace Warriors, are two full-size Greek bronzes of naked bearded warriors, cast about 460–450 BC[1] that were found in the sea in 1972 near Riace, Calabria, in southern Italy. The bronzes are now in the Museo Nazionale della Magna Grecia in the nearby city of Reggio Calabria. They are two of the few surviving full-size ancient Greek bronzes (which were usually melted down in later times), and as such demonstrate the superb technical craftsmanship and exquisite artistic features that were achieved at this time.

[es] Bronces de Riace

Los Bronces de Riace, conocidos también como Los Guerreros de Riace, son una pareja de estatuas griegas del siglo V a. C. que se exponen en el Museo Nacional de la Magna Grecia de Regio de Calabria. Son dos de los pocos ejemplos en bronce que quedan del arte griego antiguo, junto al Poseidón del Museo Arqueológico Nacional de Atenas y al auriga de Delfos.[1] Las dos estatuas griegas fueron encontradas en las cercanías de la localidad de Riace, en la provincia de Regio, en 1972.[2] Son conocidos como:
- [fr] Bronzes de Riace

[it] Bronzi di Riace

I Bronzi di Riace sono due statue di bronzo di provenienza greca databili al V secolo a.C. pervenute in eccezionale stato di conservazione.[1][2]

[ru] Воины из Риаче

«Во́ины из Риа́че» — древнегреческие парные бронзовые статуи, изображающие нагих бородатых воинов. Датируются второй четвертью V века до н. э. Экспонируются в Национальном музее Великой Греции (Реджо-ди-Калабрия).



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