Hilma af Klint (née le au château de Karlberg à Stockholm et morte le ) est une artiste peintre suédoise, théosophe et pionnière dans l'art abstrait[1]: ses œuvres comptent parmi les premières œuvres abstraites occidentales [2]. Af Klint a voué sa vie et son travail à l'exploration de l'invisible[1]. Ce tournant vers l’abstraction et le symbolisme lui vient de son intérêt pour la théosophie et le spiritisme, très en vogue en Europe à la fin du XIXesiècle et au début du XXesiècle. Ses peintures, qui ressemblent parfois à des diagrammes, sont une représentation visuelle d'idées et de recherches spirituelles complexes[3].
Hilma af Klint est issue d'une famille comptant plusieurs générations d'officiers et d'ingénieurs de marine et de cartographes. La famille de Hilma af Klint passe ses étés dans son manoir de Hammora sur l’île Adelsö du lac Mälar près de Stockholm. Cet univers idyllique, au contact de la nature, marque Hilma af Klint qui s’en inspirera dans sa création artistique.
Plus tard, elle viendra s’installer de manière permanente à Munsö, l’île voisine d'Adelsö, fief de la famille af Klint.
De sa famille, Hilma af Klint hérite d'un intérêt marqué pour les mathématiques et la botanique, mais c’est dans le monde artistique qu’elle trouve sa voie. Très douée, elle prend, très jeune, des cours de peinture, notamment de portrait.
Peintre
À 18 ans, elle entre à l’École Technique Artistique de Stockholm (Tekniska Skolan, appelée aujourd’hui Konstfack), et poursuit ses études à l’Académie des Beaux Arts de Stockholm (Konstakademien)[4].
Il n’y a, à l’époque, qu’une poignée de femmes qui suivent des études supérieures, elle fait donc partie de la première génération de femmes qui étudient aux côtés de leurs collègues masculins[1].
Une peintre naturaliste et non figurative
Eftersommar (Fin d'été) 1903, exemple de peinture naturaliste dont a vécu Hilma af Klint.
Sa peinture académique (portraits, paysages, illustrations botaniques) lui sera une modeste source de revenus, tout au long de sa vie.
Sa véritable œuvre, à ses propres yeux et celle pour laquelle elle est aujourd’hui reconnue, est d’un tout autre genre: dans son atelier à Stockholm, c'est à la peinture abstraite qu'Hilma af Klint se voue[5].
Influence du spiritisme et de la théosophie
Pendant ses études, Hilma af Klint fait la connaissance de Anna Cassel(en).
Hilma af Klint s'intéresse à la théosophie[6] de Madame Blavatsky, à la philosophie rosicrucienne de Christian Rosencreutz et adhère à la Société Théosophique en 1889.
En 1896 af Klint, Anna Cassel et trois autres femmes forment le groupe Les Cinq (de Fem)[1], un groupe voué à l'étude de la médiumnité qui se réunit tous les vendredis pour des rencontres spirituelles, comprenant des prières, l'étude du Nouveau Testament, des méditations et des séances[7] de spiritisme. Elles entrent en contact avec «Les Maîtres» (Höga Mästare), esprits d'une autre dimension, qui les incitent à s'initier à l'écriture et la peinture automatiques. Hilma af Klint se sent guidée par une force qui lui dicte littéralement sa création. Selon Les Maîtres, elle aurait été désignée pour créer les tableaux du Temple - mais elle ne saura jamais vraiment ce que les esprits entendent précisément par ce terme. Ses premières œuvres abstraites sont réalisées en peinture automatique, et la première partie des grandes peintures vouées au Temple prennent forme dans un état de quasi-transe. Hilma af Klint écrit dans ses carnets de notes:
«Les peintures se sont peintes directement à travers moi, sans esquisse préliminaire et avec grande force. Je n'avais aucune idée de ce que ces images allaient représenter, néanmoins je travaillais vite et avec assurance, sans changer aucun trait de pinceau»[8],[9]
Cahier de dessins et d'études, 2-11 juillet 1919.
Au fur et à mesure que Hilma af Klint découvre cette nouvelle forme d'expression visuelle, elle en développe le langage artistique, et son travail devient plus autonome et plus intentionnel. L'influence spirituelle reste toute sa vie la source créatrice de sa peinture.
Le monde artistique de Hilma af Klint est rempli de symboles, de lettres et de mots. Les tableaux expriment souvent une dualité ou une réciprocité symétrique: entre haut et bas, intérieur et extérieur, terrestre et spirituel, masculin et féminin, bien et mal. Le choix des couleurs est également métaphorique: le bleu pour l'esprit féminin, le jaune pour l'esprit masculin et le rose ou le rouge pour l'amour. Le Cygne et le Pigeon, titres de deux séries des tableaux du Temple, sont également des animaux symboliques, représentant respectivement la transcendance et l'amour. Tels des portails vers d'autres dimensions, ses peintures appellent à une interprétation narrative et ésotérique autant qu'artistique. En 1906, après vingt ans de vie d’artiste et à l’âge de 44 ans, Hilma af Klint peint sa première série de peintures abstraites[4].
En 1908, elle fait connaissance de Rudolf Steiner, fondateur de l'anthroposophie, de passage à Stockholm, il l'initie à ses propres théories sur l'art. Il aura une certaine influence sur sa peinture tardive[4]. Plusieurs années plus tard, en 1920, elle le retrouve au Goetheanum, siège de la Société Anthroposophique à Dornach en Suisse. Entre 1921 et 1930 elle y passe de longues périodes, marquant ainsi une pause dans sa création artistique.
Si l'on retrouve cet attrait pour la spiritualité chez d’autres artistes contemporains comme Wassily Kandinsky, Piet Mondrian ou les Nabis[10], la transition artistique de Hilma af Klint vers l’art abstrait et la peinture non figurative s'effectue cependant sans contact avec les mouvements modernistes de l'époque. Le travail de Hilma af Klint est tout d’abord spirituel, et son œuvre artistique en est la conséquence.
Son Grand œuvre: le Temple
Autoportrait non daté.
Entre 1906 et 1915 Hilma af Klint peint la série de peintures consacrées au Temple, réalisées en deux phases avec une interruption entre 1908 et 1912. Cette œuvre compte au total cent quatre-vingt-treize tableaux regroupés en plusieurs sous-séries. Les pièces maîtresses, peintes en 1907, sont de taille imposante: chaque tableau mesure environ 2,40 x 3,20 m. Cette série, intitulée Les dix plus grands, décrit les différents stades de la vie depuis la petite enfance jusqu'à la vieillesse.
Après l’achèvement de ce grand œuvre, Hilma af Klint continue ses peintures symboliques. Alors que les tableaux du Temple sont pour la plupart des peintures à l'huile, elle utilise par la suite surtout l'aquarelle dans des œuvres aux dimensions plus modestes. Elle peint entre autres une série d'études sur les différentes religions, ainsi que des représentations de la dualité entre l'être physique et son équivalent sur le plan ésotérique. Hilma af Klint poursuit ses recherches artistiques ésotériques, et, à partir des années 1920, il est possible d'y percevoir une inspiration des théories artistiques développées par la Société Anthroposophique.
Fin de vie
Le Cygne, 1915, 1 IX-SUW
Tout au long de sa vie, Hilma af Klint a cherché à comprendre les mystères qu'elle a entrevus dans son travail, laissant derrière elle cent cinquante cahiers de notes de réflexions et d'étude.
Son œuvre majeure - le Temple - a été incomprise et rejetée par Rudolf Steiner, aussi Hilma af Klint n’a pas jamais osé montrer sa peinture abstraite à ses contemporains, estimant que le monde et l'époque dans laquelle elle vivait n'étaient pas prêts pour les recevoir. Plus de mille deux cents tableaux ont été ainsi soigneusement roulés et l'ensemble stocké dans son atelier.
Hilma af Klint meurt en 1944, à l'âge de 81 ans, à la suite d'un accident de la route.
Postérité
Dans son testament, Hilma af Klint lègue l'ensemble de sa peinture abstraite à son neveu, Erik af Klint, vice-amiral de la marine royale suédoise. en précisant que les œuvres doivent rester scellées au minimum vingt ans après sa mort. Lorsque les caisses sont ouvertes à la fin des années 1960, rares sont donc les personnes qui connaissent ce qui va leur être révélé.
Il faut attendre encore vingt années supplémentaires avant la première exposition: l’œuvre abstraite de Hilma af Klint est montrée au grand public pour la première fois lors de l’exposition The Spiritual in Art, Abstract Painting 1890-1985[11], tenue à Los Angeles en 1986, et qui marque le début de sa renommée internationale.
La collection de peintures abstraites de Hilma af Klint compte plus de mille deux cents peintures. Elle est gérée par la Fondation Hilma af Klint à Stockholm[12].
Œuvres
Chaos Primordial, no2, 1906
Chaos Primordial, no16, Groupe 1, 1906-1907
La clé du travail jusqu'à ce point, 1907
Les dix plus grands, no3, La Jeunesse, Groupe 4, 1907
Les dix plus grands, no10, L'âge Mur, Groupe 4, 1907
Le Cygne,no17, Groupe 9, 1915
Le Cygne no18, Groupe 9, 1915
Retable, no1, Groupe 10, 1915
Étoile à sept branches, 1915
Le Point de Vue de Bouddha sur la Vie Terrestre, n°3a, 1920
Le Blé et l'Absinthe, 1922
Références culturelles
Hilma af Klint et son œuvre sont présentées dans le film Personal Shopper (2016) réalisé par Olivier Assayas[13]. L'art de Hilma af Klint inspire Acne Studios à sa collection d'été de vêtements en 2014[14],[15].
Hilma af Klint a fait l'objet d'un film-documentaire publié en 2019 et réalisé par Halina Dyrschka[16].
Expositions posthumes
The Spiritual in Art: Abstract Painting 1890-1985, Los Angeles County Museum of Art, Los Angeles. - [17]
Exposition itinérante:
Musée d'art contemporain de Chicago. - ;
Gemeentemuseum, la Haye Pays-Bas. 1er septembre -
Hilma af Klints hemliga bilder, Nordic Art Association, Sveaborg Helsinki Finlande 1988-1989
Iris Müller-Westermann, Christine Burgin, Johan af Klint et Kerstin Lind Bonnier, Hilma af Klint: notes and methods, (ISBN978-0-226-59193-3 et 0-226-59193-X, OCLC1028908552, lire en ligne).
Tracey R. Bashkoff, Helen Molesworth, Julia Voss et Andrea Kollnitz, Hilma af Klint: paintings for the future, (ISBN978-0-89207-543-0 et 0-89207-543-0, OCLC1039986487, lire en ligne)
Claire Gilly, «Au Centre Pompidou, les femmes redéfinissent la notion de l’art abstrait», Le Monde, (lire en ligne)
Emmanuelle Lequeux, «La secrète invention de l’abstraction par Hilma af Klint», Le Monde, (lire en ligne)
(en) Liam Taft, «Invisible art: rediscovering the work of Hilma af Klint», National Student, (lire en ligne)
(en) Maurice Tuchman, Judi Freeman, Carel Blotkamp et Los Angeles County Museum of Art, The Spiritual in art: abstract painting 1890-1985, Abbeville Press, (ISBN978-0-89659-669-6, 978-0-87587-130-1 et 978-0-7892-0056-3, OCLC13793368, lire en ligne)
(sv) Hilma af Klint, Raster Förlag, Stockholm. Texte en suédois, environ 100 images. (ISBN9187214083)
(sv) Vägen till templet, Rosengårdens Förlag. Texte en suédois, 30 esquisses. Description de la période d'apprentissage pour devenir médium. (ISBN91-972883-0-6)
(sv) Enheten bortom mångfalden, Rosengårdens Förlag. Texte en suédois, 32 images. Œuvre en deux parties: une partie philosophique et l'autre artistico-scientifique. (ISBN91-972883-4-9)
(en) I describe the way and meanwhile I am proceeding along it, Rosengårdens Förlag. Une brève introduction en anglais avec 3 images. (ISBN91-972883-2-2)
(en) The Spiritual in Art, Abstract Painting 1890-1985, publ. Los Angeles County Museum of Art, 1986 (ISBN0-89659-669-9), (ISBN0-87587-130-5) LACMA: pbk.
(de) Okkultismus und Abstraktion, die Malerin Hilma af Klint, Åke Fant, Albertina, Vienne 1992. (ISBN3-900656-17-7)
(en) Hilma af Klint, The greatness of things, Anna Maria Svensson, The Douglas Hyde Gallery, Dublin, 2005. Texte en anglais, 23 images. (ISBN0-907660-99-1)
(en) 3 X Abstraction, Catherine de Zegher et Hendel Teicher (eds.), Yale University Press et The Drawing Center, NY, 2005 (ISBN978-0300108262) (ISBN0300108265)
(en) The Message. Art and Occultism. With an Essay by [André Breton], Hrsg. v. Claudia Dichter, Hans Günter Golinski, Michael Krajewski, Susanne Zander. Kunstmuseum Bochum. Maison d'édition: Verlag der Buchhandlung Walther Konig 25.03.2013. (ISBN978-3-86560-342-5)
(en) Swedish Women Artists: Sigrid Hjertén, Hilma AF Klint, Nathalie Djurberg, Signe Hammarsten-Jansson, Aleksandra Mir, Ulrika Pasch, Books LCC, 2010. (ISBN978-1155646084)
(en)(de) The Legacy of Hilma Af Klint: Nine Contemporary Responses (anglais / allemand), Ann-Sofi Norin, Daniel Birnbaum, Verlag Der Buchhandlung Walther Konig, 2013. (ISBN3863353439), (ISBN978-3863353438)
(en) Hilma af Klint. The Art of Seeing the Invisible, de Kurt Belfrage, Louise Almqvist (eds.), édition Axel and Margaret Ax:son Johnson Foundation; première édition 2015 (ISBN9189672712), (ISBN978-9189672710)
(en) Hilma af Klint - A Pioneer of Abstraction, édition de Iris Müller-Westermann avec Jo Widoff, contributions de David Lomas, Pascal Rousseau et Helmut Zander. (ISBN978-91-8624-348-7)
(sv) Hilma – en roman om gåtan Hilma af Klint(Hilma - un roman sur l'énigme Hilma af Klint), Anna Laestadius Larsson, édition Piratförlaget, 24.05.2017 (ISBN978-91-642-0489-9)
(en) Hilma af Klint – Seeing is Believing(Hilma af Klint - de voir est de croire), Kurt Almqvist et Louise Belfrage, König Books, 07.10.2017 (ISBN9783960981183)
Ni vues, Ni connues pages 42-44, Collectif Georgette Sand, Edition Hugo Doc collection Les Simone, 05.10.2017 (ISBN9782755635393)
Articles connexes
Cercle chromatique, Traité des couleurs
Théosophie, Anthroposophie
Illuminisme
Art médiumnique
Liens externes
Fiche AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions)
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