Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers (Belgique) le et mort accidentellement à Rouen le , est un poète belge flamand, d'expression française.
Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale proche de l'anarchisme lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme[1] sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.
Biographie
Émile Verhaeren est né à Saint-Amand (en néerlandais: Sint-Amands) en Belgique, au bord de l'Escaut, dans une famille d'origine bruxelloise et aisée où l'on parle le français, tandis qu'au village et à l'école régnait le flamand. Il fréquente d'abord l'internat francophone Sainte-Barbe, tenu par des jésuites à Gand, puis il étudie le droit à l'université catholique de Louvain. C'est là qu'il rencontre le cercle des écrivains qui animent La Jeune Belgique et il publie en 1879 les premiers articles de son cru dans des revues d'étudiants.
La Lecture (1903) par Théo van Rysselberghe. Émile Verhaeren est représenté en veston rouge.
Chaque semaine, l'écrivain socialiste Edmond Picard tient à Bruxelles un salon où le jeune Verhaeren peut rencontrer des écrivains et des artistes d'avant-garde. C'est alors qu'il décide de renoncer à une carrière juridique et de devenir écrivain. Il publie des poèmes et des articles critiques dans les revues belges et étrangères, entre autres L'Art moderne et La Jeune Belgique. Comme critique d'art, il soutient de jeunes artistes tels que James Ensor.
En 1883, il publie son premier recueil de poèmes réalistes-naturalistes, Les Flamandes, consacré à son pays natal. Accueilli avec enthousiasme par l'avant-garde, l'ouvrage fait scandale au pays natal. Ses parents essayent même avec l'aide du curé du village d'acheter la totalité du tirage et de le détruire. Le scandale avait été un but inavoué du poète, afin de devenir connu plus rapidement. Il n'en continue pas moins par la suite à publier d'autres livres de poésies. Des poèmes symbolistes au ton lugubre caractérisent ces recueils, Les Moines, Les Soirs, Les Débâcles et Les Flambeaux noirs.
En 1891, il épouse Marthe Massin, peintre connue pour ses aquarelles, dont il avait fait la connaissance deux ans plus tôt, et s’installe à Bruxelles. Son amour pour elle s'exprime dans trois recueils de poèmes d'amour: Les Heures claires, Les Heures d'après-midi et Les Heures du soir.
Portrait de Marthe Massin par Auguste Donnay.Les Hommes du jour, n° 82, , dessin d'Aristide Delannoy.
Dans les années 1890, Verhaeren s'intéresse aux questions sociales et se lance dans la «révolte anarchiste». Son implication sociale apparaît clairement dans des articles et des poèmes parus dans la presse libertaire[2] (L’En-dehors[3], Le Libertaire[4], La Revue blanche[5], etc.) et surtout dans des manuscrits inachevés et demeurés inédits, comme la pièce La Grand-Route et le roman Désiré Menuiset et son cousin Oxyde Placard[6],[7].
Il travaille à rendre dans ses poèmes l'atmosphère de la grande ville et son opposé, la vie à la campagne. Il exprime ses visions d'un temps nouveau dans des recueils comme Les Campagnes hallucinées, Les Villes tentaculaires, Les Villages illusoires et dans sa pièce de théâtre Les Aubes. Ces poèmes le rendent célèbre, et son œuvre est traduite et commentée dans le monde entier. Il voyage pour faire des lectures et des conférences dans une grande partie de l'Europe. Beaucoup d'artistes, de poètes et d'écrivains comme Antonio de La Gandara[8], Georges Seurat, Paul Signac, Auguste Rodin, Edgar Degas, August Vermeylen, Léon Bazalgette, Henry van de Velde, Max Elskamp, Maurice Maeterlinck, Stéphane Mallarmé, André Gide, Rainer Maria Rilke, Gostan Zarian et Stefan Zweig[N 1] l'admirent, correspondent avec lui, cherchent à le fréquenter et le traduisent. Les artistes liés au futurisme subissent son influence. Émile Verhaeren est aussi un ami personnel du roi Albert et de la reine Élisabeth; il fréquente régulièrement toutes les demeures de la famille royale.
Transfert des restes d'Émile Verhaeren en Belgique, 1927.
En 1914 la Première Guerre mondiale éclate et, malgré sa neutralité, la Belgique est occupée presque entièrement par les troupes allemandes. Verhaeren se réfugie en Angleterre[9]. Il écrit des poèmes pacifistes et lutte contre la folie de la guerre dans les anthologies lyriques: La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre. Sa foi en un avenir meilleur se teint pendant le conflit d'une résignation croissante. Il n'en publie pas moins dans des revues de propagande antiallemande et tente dans ses conférences de renforcer l'amitié entre la France, la Belgique et le Royaume-Uni.
Décès et funérailles
Le , il visite les ruines de l'abbaye de Jumièges. Le soir, après avoir donné une nouvelle conférence à Rouen plus tôt dans la matinée, il meurt accidentellement, ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d'un train qui partait. Il était accompagné de son ami Victor Gilsoul[10],[11].
Le gouvernement français veut l'honorer en l'ensevelissant au Panthéon[réf.nécessaire], mais la famille refuse et le fait enterrer au cimetière militaire d'Adinkerque. En raison du danger que représentait l'avancée des troupes, ses restes ont encore été transférés pendant la guerre à Wulveringem en 1917.
Mémoire
En 1927 une tombe monumentale accueille sa sépulture dans son village natal de Saint-Amand[12]. Depuis 1955 un musée, le musée provincial Émile Verhaeren, rappelle son souvenir. La même année, à l'occasion de son centenaire, la dépouille de Marthe Massin est également transférée dans la tombe, au bord de l'Escaut[12].
Émile Verhaeren à sa table de travail, par Marthe Massin
Divers
La poste de Belgique a émis un timbre pour son centenaire en 1955.
La poste française a quant à elle émis un timbre à son effigie en 1963, timbre faisant partie d'une série en hommage à des personnalités de la C.E.E.
En 2015-2016, à l'approche du centenaire de sa mort, le musée des Avelines de Saint-Cloud, en région parisienne, lui consacre une exposition hommage intitulée Émile Verhaeren (1855-1916), poète et passeur d'Art.
Un buste de Verhaeren en bronze signé et dédicacé par Charles van der Stappen (1843-1910) figure dans une vente publique à Lille le (reprod. coul. dans La Gazette Drouot du reprod. coul. p. 232).
Dans un champ d'orge
Émile Verhaeren (1914).
Poème autographe paru dans La Plume en .
Œuvres
Principaux recueils
Portrait d'Émile Verhaeren par Félix Vallotton paru dans Le Livre des masques de Remy de Gourmont (1898).Plaque commemorative à Ixelles, Le poète a écrit ici Les Visages de la vie (1899).
Les Flamandes, 1883
Les Moines, 1886
Les Soirs, 1887
Les Débâcles, 1888
Les Flambeaux noirs, 1891
Les Apparus dans mes chemins, 1892
Les Campagnes hallucinées, 1893
Les Bords de la route, 1895
Les Villes tentaculaires, 1895
Les Villages illusoires, 1895
Les Heures claires, 1896
Les Visages de la vie, 1899
Petites Légendes, 1900
Les Forces tumultueuses, 1902
Toute la Flandre, 1904-1911
Les Heures d'après-midi, 1905
La Multiple Splendeur, 1906
Les Rythmes souverains, 1910
Les Heures du soir, 1911
Les Blés mouvants, 1912
Les Ailes rouges de la guerre, 1916
Les Flammes hautes, 1917
À la vie qui s'éloigne, 1923
Quelques chansons de village, (posthume), 1924
Œuvre critique
James Ensor
Rembrandt
Monet
Impressions (3 volumes) recueils de textes et d'articles critiques sur des écrivains.
Pages belges 1926, recueils de textes sur des écrivains belges.
Théâtre
Le Cloître (drame en quatre actes, en vers mêlés de prose), 1900.
Philippe II (tragédie en trois actes, en vers mêlés de prose), 1900
Hélène de Sparte (tragédie lyrique en 4 actes), 1912.
Les Aubes, 1898.
Prose
Le travailleur étrange, recueil de nouvelles
Contes de minuit, 1885.
Villes meurtries de Belgique. Anvers, Malines et Lierre
Impressions d'Espagne Ed. Casimiro, (ISBN9788416868858), 2017. Il y raconte son voyage de 1888 avec Dario de Regoyos
Éditions bibliophiliques posthumes
Belle chair, poèmes d'Émile Verhaeren, lithographies originales de Philippe Cara Costea, Éditions Les Francs Bibliophiles, 1967.
Belle Chair, poèmes suivi de chants dialogués; petites légendes; feuilles éparses, Mercure de France, 3° edition (1939) (ASINB003X1CO6G)
Les villes à pignons, le texte du poète s’accompagne de 35 eaux-fortes originales du peintre et aquafortiste Julien Célos, Éditions Victor Dancette, 1946.
Le Vent, livre d'artiste sur le poème d'Émile Verhaeren, conçu sous forme d'une œuvre d'art au sein du Laboratoire du livre d’artiste, en 2014[13].
Verhaeren-Rilke / Verhaeren-Dehmel Correspondance. (Archives et Musée de la littérature - AML)
Reconnaissance, honneurs
Le roi Albert Ier de Belgique a donné le titre honorifique de Poète national à Émile Verhaeren en 1899[14].
Représentations
Portrait d'Émile Verhaeren par Pierre Hodé, a été reproduit dans La Revue du foyer, .
Buste en bronze du poète dû à Henri Lagriffoul dans les jardins de l'hôtel de ville de Rouen (1948).
Buste par Louis Mascré au parc Josaphat à Bruxelles[15].
Buste du poète à Roisin au lieu-dit «Le caillou qui bique» où il a séjourné, ce petit domaine dans le Bois d'Angre parcouru par la Grande Honnelle est un lieu de détente agréable et bien connu.
Des pierres sculptées où sont gravés certains de ces poèmes sont placés tout au long du parcours "Circuit des pierres Verhaeren".
Buste de Verhaeren par César Schroevens, square André-Lefèvre, jouxtant l'église Saint-Séverin à Paris.
Le Caillou qui bique à Angre.
Émile Verhaeren près du Caillou qui bique, lieu de détente où il a résidé.
Poème d'Émile Verhaeren au Caillou qui bique.
Buste d'Émile Verhaeren dans le square André-Lefèvre.
Exposition
Émile Verhaeren. Poète et Passeur d’art. Saint-Cloud, Musée des Avelines, du au [16].
Le regard de Verhaeren. L'écrivain-critique et l'art de son temps. Gand, Musée des Beaux Arts de Gand, du au .
Publications
Émile Verhaeren et Roger Berthole (commentaires), Le Travailleur étrange et autres récits, Ombres, coll.«Petite Bibliothèque Ombres», (ISBN978-2-84142-196-1)
Émile Verhaeren, À la vie qui s'éloigne, poèmes, suivis de Trois épîtres lyriques, Sept épitaphes, Au-delà, Feuilles tombées, Mercure de France, (ASINB001BMXID2)
Notes et références
(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé «Émile Verhaeren» (voir la liste des auteurs).
Notes
«Durant ces trois heures, j'appris à aimer cet homme, comme je l'ai ensuite aimé toute ma vie. Il y avait dans tout son être une sécurité qui ne donnait pas un instant l'impression de la suffisance. Il restait indépendant à l'égard des biens de fortune, il préférait mener une existence campagnarde plutôt que d'écrire une ligne qui n'eût eu d'actualité que celle du jour et de l'heure. Il demeurait indépendant à l'égard du succès, ne s'appliquait pas à l'augmenter par des concessions, des complaisances ou des camaraderies [...] Il demeura ouvert dans tous les sens du terme, n'étant gêné par aucune entrave, égaré par aucune vanité, un homme libre et heureux, facile à tous les enthousiasmes; quand on était avec lui, on se sentait animé par sa propre volonté de vivre». Le monde d'hier, Stefan Zweig
Références
C. Gras, L'hiver aux trousses, Paris, Éditions Gallimard, , 266p. (ISBN978-2-07-046794-5), chap.1 («Premier automne»)
Pour l'interprétation du poème Le Vent a été utilisée la version prononcée par le poète le dans son enregistrement sonore. Le livre contient deux linogravures originales par Anne Arc, et huit compositions plastiques (découpages sous forme de disques noirs sur papier Himalaya 90g/m²) par Serge Chamchinov. Fait à douze variantes uniques à Granville et à Saint-Aubin (Jersey). Exposé à Bruxelles en 2014 et en 2017, à Mons et en Aix-en-Provence en 2015. Trois exemplaires se trouvent en Belgique (Archives et Musée de la Littérature de Belgique, Réserve précieuse de la Bibliothèque royale de Belgique, Musée des Arts du Livre et de la Reliure). En France, quatre exemplaires sont consultables auprès des réserves précieuses des médiathèques de Niort, Caen, Valenciennes et Nice, par ailleurs, une variante accompagnée par les documents génétiques (épreuves et maquettes) est conservée à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet à Paris.
«La Belgique s'enrichit d'un Poète national», dans La Libre Belgique, quotidien belge, 15 janvier 2014.
Jean-Marie Culot, Bibliographie de Émile Verhaeren, Duculot, 1954.
Marie-Anne Dolez, Il y a cinquante ans mourait Emile Verhaeren. Esquisse généalogique, dans L'Intermédiaire des Généalogistes, n° 127, 1967/1, pages 29 à 31.
Gilles Van Grasdorff et Alain Antoine-Plisnier, Dites-nous Émile Verhaeren, Bruxelles: Chabassol, 1986.
Béatrice Worthing, Émile Verhaeren (1855-1916), Paris: Mercure de France, 1992.
Marcel Wardavoir, Les Heures sombres d'Émile Verhaeren, Le Livre, 1995.
Jacques Marx, Verhaeren, biographie d'une œuvre, Académie royale de langue et de littérature françaises, 676 p., 1996 (ISBN2-8032-0020-1)
David Gullentops, L'inventaire de la bibliothèque d'Émile Verhaeren, Paris, 1996.
David Gullentops, Poétique de la lecture. Figurativisations et espace tensionnel dans la poésie d'Émile Verhaeren, VUB-University Press, 2001.
Kilien Stengel, Les poètes de la bonne chère, Anthologie de poésie gastronomique, Collection Petite Vermillon Éditions de la Table ronde (groupe Gallimard), 2008. (ISBN2710330733)
Stefan Zweig, Émile Verhaeren: Sa vie: son œuvre, CreateSpace Independent Publishing Platform, (ISBN978-1-5116-9265-6)
Flavio Venanzi, Verhaeren: poeta della vita. In: Scritti politici e letterarii, raccolti ed ordinati da Giovanni Di Gregorio, New York, Venanzi Memorial Commitee, 1921, p. 57-61.
Другой контент может иметь иную лицензию. Перед использованием материалов сайта WikiSort.org внимательно изучите правила лицензирования конкретных элементов наполнения сайта.
2019-2025 WikiSort.org - проект по пересортировке и дополнению контента Википедии