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Vilhelm Hammershoi Écouter, né à Copenhague le et mort dans la même ville le , est un peintre intimiste danois.

Vilhelm Hammershøi
autoportrait 1895
Naissance

Copenhague
Décès
(à 51 ans)
Copenhague
Nationalité
danoise
Activité
Artiste peintre
Formation
Académie royale des beaux-arts du Danemark
Maîtres
Frederik Niels Martin Rohde (d), Carl F. Andersen (d), Frederik Vermehren, Holger Grønvold (d), Vilhelm Kyhn, Peder Severin Krøyer
Lieu de travail
Copenhague
Fratrie
Conjoint
Ida Ilsted (d) (à partir de )

Biographie


« Ce peintre est un cas dans l'histoire de l'art et aussi dans l'histoire de la peinture danoise. »[1]

Présentation d'un artiste hors-norme


Hammershøi est considéré comme un phénomène à part dans l'art danois et européen parce que, au beau milieu de la modernité, il s'en tenait à un conservatisme apparent qui faisait de son art une sorte de mutation, difficile à contourner. Selon Poul Vad[note 1] : « Admiré et célébré de son vivant, on se mit très vite à lui dénier toute importance réelle, ne lui attribuant tout au plus que quelques lignes dans les ouvrages d'histoire de l'art et ne le nommant qu'avec une sorte de respect détaché[2]. Jusque dans les années 1920, le peintre était encore nommé avec déférence, la presse allemande, française et danoise lui avait accordé d'importants articles. Mais 1916 était aussi la naissance du mouvement dada et de la révolte contre l'académisme[2]. »

La critique redécouvre depuis les années 1990 ses tableaux d'intérieur énigmatiques représentant des pièces souvent vides, parfois habitées par des personnages féminins perdus dans une profonde réflexion, souvent vus de dos, tournés vers des murs clairs et nus, réalisés dans une gamme de tons de gris, de brun très restreinte ou de blanc, ses paysages, ses portraits, qui, tous, baignent dans une atmosphère étrange, irréelle, dénuée de toute action ou d'anecdote.

Personnalité effacée, Hammershøi a été très jeune une figure connue et controversée de l'art danois à une époque où l'on privilégiait les reproductions fidèles à la nature. Son style original, qu'aucune influence extérieure n'avait marqué, malgré un séjour à Paris, puis en Italie, a été remarqué par le critique français Théodore Duret. Au Danemark, il a surtout été apprécié par les jeunes symbolistes[Lesquels ?]. Sa carrière a été alternativement jalonnée d'éloges et de scandale.

Il a eu une influence sur le cinéaste Carl Theodor Dreyer qui aimait beaucoup ses œuvres[réf. nécessaire] et, dès l'automne 1904, Rainer Maria Rilke qui vint le rencontrer à Copenhague, a écrit un essai sur l'artiste qu'il considérait comme un maître[3].

Vilhelm Hammershøi est mort à l'âge de cinquante deux ans d'un cancer à la gorge. Il est enterré au cimetière Vestre à Copenhague.


Les premières années


Portrait de Frederikke Amalie Hammershøi, née Rentzmann (la mère de l'artiste), 1886
Portrait de Frederikke Amalie Hammershøi, née Rentzmann (la mère de l'artiste), 1886

Fils d'un négociant de Copenhague, le garçon a grandi dans une famille aisée et cultivée. Il a deux frères et une sœur, Anna, dont il peint le portrait en 1885[4], et un frère cadet, Svend [note 2], qui deviendra peintre lui aussi. La mère encourage beaucoup ses enfants dans la voie artistique. C'est elle qui choisit l'enseignement que reçoit Vilhelm, et elle conserve tous les témoignages de son talent qu'elle réunit dans plusieurs albums jusqu'à sa mort[5]. Vilhelm fait son portrait en 1886 (huile sur toile, 34 × 37 cm).

Hammershøi reçoit une formation artistique assez complète. Dès l'âge de huit ans (en 1872), il prend des cours de dessin professionnels et à quinze ans, en 1879, il est déjà en première année de l'Académie des beaux-arts de Copenhague. Dans les cinq années qui suivent, il prend des cours dans toutes les disciplines liées au dessin et à la peinture avec Niels Christian Kirkegaard comme professeur[6]. Enfin il suit encore des cours privés de 1883 à 1885 dans les Kunstnernes Frie Studieskoler (Ateliers libres) qui ressemblent beaucoup aux écoles des peintres français, en particulier à celle de Léon Bonnat[7]. Ces ateliers ont été créés en 1882 en manière de protestation contre l'enseignement figé donné à l'Académie des beaux-arts de Copenhague[note 3], d'abord dirigée par Francis Schwartz, puis Kristian Zahrtmann et enfin par Johan Rohde de 1908 jusqu'à la fermeture de l'école en 1912. Parmi les professeurs, on trouve Laurits Tuxen et Peder Severin Krøyer qui avaient eux-mêmes suivi les cours de Léon Bonnat[8].

Avec le portrait de sa sœur en 1885, une huile sur toile de 112,4 × 91,3 cm, collection Hirschsprung, Hammershøi aborde l'univers féminin, un thème qu'il continue par la suite à explorer sur fonds gris blanc, avec notamment Jeune fille cousant (1887)[9], huile sur toile, 57 × 55 cm légué à l'état danois par Wilhelm et Henny Hansen et les portraits de sa femme Ida[10]. Il se lance ainsi dans une peinture hors-mode qui fait dire à Philippe Dagen :

« (pour la critique) ce Danois était incongru et gênant. A-t-on idée, vers 1900, d'ignorer la touche divisée néo-impressionniste, la décomposition du chromatisme, les compositions japonisantes, l'éclat de couleurs de moins en moins imitatives[11]? »

Ce tableau n'était pas conforme à la peinture qu'attendait l'académie des Beaux-Arts de Copenhague. Lors de sa présentation pour un concours, à l'exposition de printemps de Charlottenborg, Hammershøi aurait dû recevoir le prix Neuhausen, mais l'académie ne le lui attribue pas, ce qui déclenche un mouvement de protestation chez les jeunes peintres danois les plus influents de l'époque, parmi lesquels Johan Rohde, et Jens Ferdinand Willumsen[12]. Cette insatisfaction conduit plus tard à une révolte ouverte provoquée encore par un autre tableau de Hammershøi (Job) et à la création de Den Frie Udstilling (l'Exposition libre)[10].

Dans la seconde moitié des années 1880, les peintures de Hammershøi correspondent à une tendance de la jeune peinture danoise qui prend ses distances avec les thèmes de plein air, et se tourne davantage vers des peintures d'intérieur [13].

Cependant, dès le début, le peintre se situe en marge de la vie artistique de son époque. Son style mélancolique, les thèmes liés à la mort, la mise en scène voisine du symbolisme le « singularisent » et le rapprochent d'un Edgar Degas que pourtant Hammershøi ne connaissait pas[14].


Le peintre du contre-courant


Autoportrait de l'artiste et de sa femme dans un miroir, huile sur toile, 1911
Autoportrait de l'artiste et de sa femme dans un miroir, huile sur toile, 1911
Artémis, 1894, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Artémis, 1894, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Portrait d'Ida, 1898, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Portrait d'Ida, 1898, Statens Museum for Kunst, Copenhague.

En 1888, Hammershøi crée la surprise avec un tableau intitulé Job, un grand format aujourd'hui perdu, qui lui a pris un an de travail, et dont il ne reste qu'une Étude pour Job : fusain sur papier 47 × 27 cm, collection particulière[15]. Le tableau fait sensation dès sa présentation. « Il donne l'impression que Hammershøi pouvait se considérer comme un élève tardif de C.W. Eckersberg (1785-1855), qui avait été lui-même un élève de Jacques-Louis David en 1811-1815[16]. »

Vers la fin des années 1880, Hammershøi expérimente de nouveaux motifs, des intérieurs, des modèles féminins, des motifs architecturaux. Ses gammes de couleurs ombrées atteignent un raffinement rare comme le montre le tableau Étude : une boulangerie , 1889, huile sur toile, 115,5 × 90 cm, Kunstmuseum de Vejen[17].

Son voyage à Paris, en 1889, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1889 où il était représenté parmi les peintres danois, sa découverte des impressionnistes français et de l'art contemporain, ne laissent aucune trace dans son style. Il s'est pourtant intéressé à l'exposition d'impressionnistes organisée cette même année, à l'automne, à Copenhague, par Karl Madsen, un jeune critique d'art qui a toujours soutenu son travail et qui sera plus tard le conservateur du Statens Museum for Kunst Copenhague[18]. À cette époque, le premier autoportrait à l'huile de Hammershøi, qu'il peint peu après, le rapproche davantage des peintres hollandais de XVIe siècle que de ses contemporains [19].

Le peintre, qui s'est déjà positionné contre la peinture de l'âge d'or danois, contre la peinture enseignée à l'académie, sera éternellement en marge, voire opposé à.

« Il y a, dans l'attitude de cet homme austère une fermeture à ses contemporains qui contribue à l'écarter des débats de son époque. Pour prendre aujourd'hui la mesure de ce personnage, il faudrait admettre qu'il est au Danemark ce que Giorgio Morandi est à l'Italie et Balthus à la France, c'est-à-dire de splendides dinosaures, des individus non pas hors du temps, mais en marge de leur temps[14]. »

 Hervé Gauville

En 1890, le peintre se fiance avec Ida Ilsted, les jeunes gens se marient en 1891. Le couple n'a pas d'enfant, mais Ida joue un rôle considérable dans l'évolution de l'art de Hammershøi. C'est elle qu'il peint inlassablement : silhouette féminine qui figure dans de nombreux tableaux d'intérieur, Ida paraît indispensable. Elle accompagne le peintre dans tous ses voyages. De 1891 à 1892, le couple séjourne six mois à Paris. Hammershøi est parfaitement conscient que c'est là que se tient le courant le plus important, et précisément, il a le désir d'aller à contre-courant[20]. Sur les recommandations de Théodore Duret, Hammershoi avait envoyé à la galerie Durand-Ruel un de ses tableaux accompagné d'un jugement très flatteur de Duret. Duret l'avait d'ailleurs invité à dîner en compagnie de Whistler et de Monet, Hammershøi ne se rendit pas à l'invitation et son tableau ne fut pas vendu[20].

L'art contemporain ne satisfait pas Hammershøi qui écrit à Johan Rohde en 1892 :

« la plupart des tableaux ressemblent à des plaisanteries. »

Et il décrit plusieurs toiles en s'en moquant[21].

Immédiatement après, peut-être en réaction contre toutes ces nouveautés, le peintre entreprend de copier un bas-relief d'antiquité grecque. Certains critiques parlent de régression dans l'évolution du peintre[22]. Mais ce n'est pas seulement l'art contemporain que le couple rejette, c'est aussi la vie de la capitale, ses grands boulevards, ses femmes fardées, et poudrées. Ida, qui a été propulsée directement de sa petite ville de province, est totalement perdue dans ce monde-là dont elle admire malgré tout le bouillonnement. Elle écrit à sa belle mère :

« Après avoir dîné, nous allons parfois sur les beaux boulevards, et il y a vraiment des parisiennes à voir. C'est effrayant comme elles sont maquillées, parées, poudrées[23]. »

Un autre voyage conduit Hammershøi en 1895 en Italie où les peintres de la Renaissance l'impressionnent fortement. C'est d'ailleurs après son retour qu'il se lance dans la réalisation d'une grande composition : Artémis inspirée des fresques de Masolino da Panicale, qui présente une silhouette d'homme androgyne et trois silhouettes de femme dont Poul Vad souligne « l'insolite gaucherie dans l'exécution du dessin, comme si Hammershøi n'avait pu faire le lien entre idéal et réalité[24]. »

Dès son exposition, ce tableau fait sensation et les avis sont partagés : les jeunes symbolistes le couvrent d'éloges dans la revue littéraire La Tour, tandis que son ami Karl Madsen ne comprend pas le tableau et le trouve raté. C'est pourtant lui qui l'achète en 1916, après la mort du peintre, pour le Statens Museum for Kunst. Par la suite, Artémis a été rapproché du style de Puvis de Chavannes et de ses figures archaïsantes, comparaison jugée peu pertinente de nos jours [25].



L'œuvre : les thèmes et leur interprétation



Paysages


Vue du lac de Gentofte, 1903, Kunsthalle de Hambourg[26].
Vue du lac de Gentofte, 1903, Kunsthalle de Hambourg[26].
Paysage Ljere, 1905, Nationalmuseum, Stockholm[27].
Paysage Ljere, 1905, Nationalmuseum, Stockholm[27].

Les couleurs du peintre sont conditionnées par la lumière de son pays qu'il traduit dans ses paysages comme : Vue du lac de Gentofte, (qui porte aussi le titre : Pluie et soleil) (1903-1904), huile sur toile 61 × 50,5 cm, Ordrupgaard kunstmuseum Copenhague[28] et Paysage, Lejre (1905), huile sur toile 45 × 68 cm, Nationalmuseum, Stockholm. Essentiellement citadin, Hammershøi passait toujours un ou deux mois par an à la campagne. « Ses paysages et ses forêts possèdent un caractère particulier, comme « rincé », le premier plan légèrement gommé, sans détail, comme si le peintre n'avait pas pénétré dans l'espace qu'il décrit[29] ».

Les tons verts des sujets végétaux sont grisés et tous les paysages s'étalent sur fond de ciel gris, ou à peine bleuté comme Paysage, Lejre . La majorité des éléments sont dans des teintes sombres sans véritable ciel à l'exception de quelques espaces clairs : Deux chênes (intitulés également deux héros (1896), huile sur toile , 55 × 78,5 cm, collection particulière, Forêt de jeune hêtres (1904) réalisé au cours de son séjour d'été à Fredriksværk. Les peintures végétales sont sans doute les moins représentatives des choix coloristes de Hammershøi[30].

Une impression de désolation se dégage des vues de la campagne danoise, avec des horizons bas, des ciels vastes, une terre plate, dans un style que l'on a audacieusement rapproché de Jacob van Ruisdael et Philips de Koninck, mais que, au contraire des Hollandais du XVIIe siècle, Hammershøi ne se préoccupe pas d'animer. Il choisit les terres les plus dépeuplées qui évoquent le calme et la rêverie « Les vues de Lejre et du lac Gentofte défient notre sens des proportions, du temps, et de l'espace, en réduisant les arbres à la taille de fourmis, en ouvrant des vides dans toutes les directions[31] »


Architecture


Les Bâtiments de la compagnie asiatique, 1902, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Les Bâtiments de la compagnie asiatique, 1902, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Cour intérieure, 1899, musée d'art de Toledo, Toledo[32].
Cour intérieure, 1899, musée d'art de Toledo, Toledo[32].

Le peintre étant avant tout citadin, l'essentiel de son inspiration lui est fournie par l'architecture. Il peint un grand nombre de bâtiments et de palais, en leur donnant un aspect monumental. Beaucoup sont réalisés d'après photographie parce qu'il ne pouvait pas installer son chevalet partout où il le voulait, notamment devant Les Bâtiments de la compagnie asiatique (1902), huile sur toile 146,5 × 140,5 cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague, un édifice situé tout près de l'appartement du peintre.

À partir de 1898, date à laquelle il s'installe dans le quartier de Christianshavn, Hammershøi puise son inspiration dans les motifs architecturaux qui lui sont fournis par les quais, les cours intérieures[32]. Mais il a déjà plusieurs fois été attiré par les bâtiments monumentaux à forte connotation nationale, auxquels il conférait une vie nouvelle avec une étrangeté teintée d'ennui que l'on perçoit dans la Vue de la place d'Amalienborg (1896), huile sur toile 136,3 × 136,3 cm[33].

Cette place, considérée comme un des joyaux de la culture architecturale danoise du XVIIIe siècle est cadrée de guingois, et la façade du palais apparait traitée avec une certaine désinvolture[34].

La représentation de la place, encadrée par quatre palais royaux et dominée par la statue équestre du roi Frédéric V de Danemark exécutée par Jacques-François-Joseph Saly est aussi vide de vie que les paysages, et ses tonalités rapprochent cette œuvre de la photographie, ou d'un scrupuleux dessin d'architecture, donnant par ailleurs l'impression d'une hallucination[35].


Intérieurs


Intérieur avec jeune femme vue de dos, 1904, Randers Kunstmuseum, Randers[36].
Intérieur avec jeune femme vue de dos, 1904, Randers Kunstmuseum, Randers[36].
Intérieur avec femme lisant, 1900, Nationalmuseum, Stockholm.
Intérieur avec femme lisant, 1900, Nationalmuseum, Stockholm.
La Très Haute Fenêtre, 1913, Ordrupgaard museum de Copenhague.
La Très Haute Fenêtre, 1913, Ordrupgaard museum de Copenhague.
Ida lisant une lettre, peint avant 1916, collection particulière.
Ida lisant une lettre, peint avant 1916, collection particulière.
Intérieur avec piano et femme vêtue de noir, 1901, Ordrupgaard museum de Copenhague.
Intérieur avec piano et femme vêtue de noir, 1901, Ordrupgaard museum de Copenhague.
La Danse de la poussière dans les rayons du soleil, 1900, Ordrupgaard museum de Copenhague.
La Danse de la poussière dans les rayons du soleil, 1900, Ordrupgaard museum de Copenhague.

C'est à cette même époque qu'il creuse un autre thème qui lui est déjà cher : l'intérieur de l'appartement où il vit, et les différentes pièces dont il tirera des œuvres majeures. Alors qu'à cette époque les appartements étaient habituellement surchargés de meubles et de bibelots, celui de Hammershøi est aussi dépouillé que possible. Choix esthétique délibéré du peintre pour qui l'appartement était un atelier[32]. On y trouve la même impression de vide et d'hallucination soulignée déjà par Robert Rosemblum[37], comme si la retraite et le vide étaient pour le peintre le seul moyen de fuir la société[38]. On peut interpréter ce dénuement comme un rejet des excès de décorations victoriens, qui apparaissent dans les tableaux de James Abbott McNeill Whistler, et qui seront renversés par Adolf Loos et Josef Hoffmann en Autriche, dès le début du XXe siècle, pour faire place au style d'ornement puriste que déjà Hammershøi a choisi de montrer[39].

Dans ces « intérieurs », Hammershøi pousse parfois l'isolement jusqu'à des extrêmes inattendus comme Intérieur de la grande salle du manoir de Lindegaarden (Kunlungborg (1909), deux huiles sur toiles, 77 × 118 cm et 71 × 91 cm, collection privée, Londres, où seuls des murs nus apparaissent[40].

Mais lorsqu'il s'agit d'un intérieur « bourgeois », le motif de la pièce vide offre au spectateur l'illusion d'entrer comme un hôte bienvenu dans une demeure prospère comme dans "Rayons de soleil", également intitulé "Danse de la poussière dans les rayons du soleil" (1900), huile sur toile, 70 × 59 cm Ordrupgaard museum de Copenhague, une de ses toiles les plus souvent reproduites[41].

Lorsque l'intérieur est habité, c'est toujours succinctement avec une seule personne, généralement une femme (la sienne), le plus souvent vue de dos, ou de profil, perdue dans une rêverie solitaire comme dans les toiles : Chambre à coucher", 1899 , 75 × 58 cm, collection particulière ou Femme lisant (1908) 68 × 56 cm, Kunstmuseet Brundlund Slot, Åbenrå.

Le plus fréquemment reproduit de tous les Intérieurs avec femme reste Intérieur avec jeune femme vue de dos, Randers Kunstmuseum, où Ida semble pour la première fois « en mouvement » : elle porte un plat en étain[36]. Le personnage, quand il n'est pas rêveur, affiche une certaine désinvolture, ou une grande sérénité comme c'est le cas pour : Repos (1905), 49,5 × 46,5 cm, Musée d'Orsay, Paris[42]. Sur le site du magazine en ligne l'Intermède, Camille Brunet rappelle que « pour le peintre, les pièces vides possèdent une beauté mystérieuse (...) En 1909 dans le magazine de décoration Hjemmet, il déclare : En ce qui me concerne, je préfère l'Ancien : les bâtiments anciens, les meubles anciens, et l'atmosphère bien particulière que possèdent de telles choses."[43]. » Ida, sa femme, son sujet féminin favori, a fait l'objet de plusieurs portraits, dont deux en 1907, avec toujours un air rêveur et mélancolique, les yeux perdus dans le lointain : Portrait d'Ida Hammershøi , le premier de 91 × 73 cm localisé au Statens museum, le deuxième de 79,5 × 63,5 cm, localisé au Kunstmuseum de Aarhus[44],.

Les critiques d'art ont souvent fait le parallèle entre l'atmosphère créée par la solitude des personnages chez Hammershøi et les ambiances de Johannes Vermeer, ou de Edward Hopper : « Lorsqu'on trouve des personnages dans les intérieurs de Hammershøi, ils sont comme les figures de Hopper, totalement silencieux et statiques, entièrement soumis à ces espaces rectilignes immaculés. Mais, plus remarquable encore, quand Hammershøi peint des couples ou des groupes plus importants de personnage, chaque individu reste enfermé dans son monde individuel[45]. » La comparaison avec Edward Hopper ou Giorgio Morandi a été reprise par de nombreux critiques d'art au moment de l'exposition de 1997 au musée d'Orsay : « [le peintre] peut par sa présence, rappeler tout à la fois Giorgio Morandi et Edward Hopper[13]. ». On retrouve les mêmes appréciations chez Francis Marmande, Hervé Gauville, Poul Vad dans [46]. En 1965, Hopper peint une huile sur toile de 75,5 × 101,5 cm intitulée Soleil dans une chambre vide (collection particulière, USA)[47], qui fait tout naturellement penser à La Danse de la poussière dans les rayons du soleil du peintre danois[48].

Cette même atmosphère demeure dans l'immense toile où figurent cinq hommes : Cinq portraits (1901-1902), huile sur toile gigantesque, 190 × 340 cm Galerie Thiel Stockholm. Les cinq hommes représentés sont tous des amis du peintre, membre de Den Frie Udstilling. À gauche l'architecte Thorvald Bindesbøll, près de la table, Svend Hammershøi, le frère du peintre, puis Karl Madsen, puis le peintre symboliste Jens Ferdinand Willumsen et Carl Holsøe, peintre d'intérieurs lui aussi[49]. Le tableau dégage une atmosphère de société secrète selon Poul Vad[45]. Ce portrait de groupe est considéré comme l'un des sommets de l'art danois que l'on peut confronter à un autre portrait de groupe de cinq artistes d'avant-garde parisiens peints par Félix Vallotton : Les Cinq peintres localisé au Winterthur Kunstmuseum[50].


Le nu


Trois études de nu, 1910, Malmö Konstmuseum, Malmö.
Trois études de nu, 1910, Malmö Konstmuseum, Malmö.

À partir du début des années 1900, Hammershøi devient un peintre reconnu et un homme estimé. Les Cinq portraits sont exposés à Den Frie Udstilling en 1902, deux de ses tableaux d'architecture sont commandés par le maire de Copenhague qui les expose dans son bureau. L'écrivain danois Johannes Jørgensen (1866-1956) lui obtient la permission de peindre à l'intérieur de l'église Saint-Étienne-le-Rond de Rome au cours d'un séjour en Italie. Le collectionneur Bramsen[note 4] présente l'artiste au pianiste anglais Leonard Borwick, chez qui, par la suite, il fait un séjour. L'écrivain Rainer Maria Rilke vient étudier l'œuvre du peintre qui sera nommé membre du conseil de l'Académie royale des beaux-arts du Danemark[51]. Les expositions personnelles se succèdent : Londres (1907), exposition internationale d'art à Rome en 1911 où le peintre reçoit le premier prix. Mais déjà le peintre est très affaibli par son cancer. Il le sera encore plus par la mort de sa mère le . En 1913, il ne peint qu'un seul tableau[51].

Mais les années de douleur voient naître chez l'artiste un nouveau thème qu'il n'avait jusque-là que très peu abordé : le nu. À partir de 1909, Hammershøi produit deux tableaux de grande taille sur le thème du corps féminin. D'abord avec trois études, des esquisses à l'huile représentant différentes poses, pour deux grands tableaux qu'il va achever l'un en 1909 : Figure de modèle ou Nu féminin" 205 × 155 cm, Statens Museum for Kunst. Son inspiration semble tirée des tableaux de modèles du peintre danois Christoffer Wilhelm Eckersberg, bien que dans l'œuvre suivante, terminée l'année de sa mort et qui l'a épuisé, relève presque de l'étude médicale selon Poul Vad[52]. Il s'agit d'une huile sur toile intitulée comme la précédente Figure de modèle ou Nu féminin de 171 × 95 cm. Alfred Bramsen (1851-1932) pense qu'il n'a jamais surmonté les suites de ce grand exploit artistique[52].


Œuvres conservées


Paysage pluvieux d'été, 1888-1892, collection particulière.
Paysage pluvieux d'été, 1888-1892, collection particulière.
Intérieur, également intitulé Le Vieux Canapé, 1905, Nationalmuseum, Stockholm.
Intérieur, également intitulé Le Vieux Canapé, 1905, Nationalmuseum, Stockholm.
Vue du British Museum, 1906, Fuglsang Kunstmuseum, Guldborgsund.
Vue du British Museum, 1906, Fuglsang Kunstmuseum, Guldborgsund.
Vue du vieux château de Christiansborg, 1907, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Vue du vieux château de Christiansborg, 1907, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Intérieur avec chevalet, 1910, Statens Museum for Kunst, Copenhague.
Intérieur avec chevalet, 1910, Statens Museum for Kunst, Copenhague.

Cette liste est issue de celle établie par Suzanne Meyer-Abich, Anne Birgitte Fonnsmark et Mikael Wivel dans le catalogue de l'exposition du Musée d'Orsay 1997, et qui se sont eux-mêmes référés à l'ouvrage d'Alfred Bramsen Vie et œuvre de Vilhelm Hammershøi[53]. La sélection comporte autant que possible des œuvres visibles par le public dans des musées ou des galeries.


Expositions récentes



Bibliographie



Ouvrages



Anglais


Bilingue allemand/anglais


Français


Articles de presse



Notes et références



Notes


  1. 1927-2003, Poul Vad est un spécialiste de Vilhelm Hammershøi. Il a notamment publié : Vilhelm Hammershøi and danish art à the turn of the century (Vilhelm Hammershøi et l'art danois au début du siècle), Yale university Press, 1992
  2. 1873-1948 voir les peintures de Svend
  3. Ce texte est la traduction du lien ci-dessous. Elle a été faite par un membre de la Maison du Danemark. Merci à Ulf.
  4. Alfred Bramsen(1851-1932) était dentiste et collectionneur enthousiaste de Hammershøi dont il possédait la plus importante collection au monde. Il a servi de référence pour l'établissement des catalogues raisonnés après la mort du peintre.

Références


  1. Pierre Curie, dans Hammershøi, le maître de la peinture danoise, catalogue d'exposition, Paris, Musée Jacquemart-André, 2019 — cité par Élisabeth Santacreu, dans Le Journal des arts, Paris, 10 mai 2019, p. 22.
  2. Collectif Orsay 1997, p. 9
  3. Steffen Arndal, « Rainer Maria Rilke und Vilhelm Hammershøi. Zur Beziehung zwischen bildender Kunst und Dichtung zur Zeit der Jahrhundertwende », Anuário de Literatura, vol. 19, no 1, , p. 224 (ISSN 2175-7917 et 1414-5235, DOI 10.5007/2175-7917.2014v19n1p224, lire en ligne, consulté le )
  4. voir le portrait d'Anna
  5. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 23
  6. Collectif Orsay 1997, p. 179
  7. Collectif Orsay 1997, p. 10
  8. les ateliers libres en danois
  9. voir Jeune fille cousant
  10. Collectif Orsay 1997, p. 11
  11. Dagen 1997, p. 27
  12. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 32
  13. Bernard Heitz 1997, p. 70
  14. Hervé Gauville 1997, p. 30
  15. Collectif Orsay 1997, p. 12
  16. Poul Vad cité par Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 29
  17. aperçu de Étude, une boulangerie
  18. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 35
  19. Collectif Orsay 1997, p. 14
  20. Collectif Orsay 1997, p. 17
  21. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 48
  22. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 50
  23. Collectif Orsay 1997, p. 18
  24. Poul Vad cité par Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 50
  25. Collectif Orsay 1997, p. 19
  26. Collectif Orsay 1997, p. 106
  27. Collectif Orsay 1997, p. 107
  28. Collectif Orsay 1997, p. 162
  29. Poul Vad cité par Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 65
  30. Poul Vad cité par Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 70
  31. Robert Rosemblum 2000, p. 59
  32. Collectif Orsay 1997, p. 23
  33. Collectif Orsay 1997, p. 152
  34. voir vue de la place d'Amalienborg
  35. Rosenblum cité par Collectif Orsay 1997, p. 39
  36. Collectif Orsay 1997, p. 163
  37. Collectif Orsay 1997, p. 71
  38. Collectif Orsay 1997, p. 49
  39. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 78
  40. aperçu d'une reproduction de l'intérieur de Lindegaarden
  41. Collectif Orsay 1997, p. 42
  42. [showUid=8828&no_cache=1 voir le tableau au musée d'Orsay]
  43. « Hammershøi au Statens Museum for Kunst de Copenhague », sur www.lintermede.com (consulté le )
  44. Collectif Orsay 1997, p. 118 et 119
  45. Poul Vad dansCollectif Orsay 1997, p. 45
  46. Collectif Orsay 1997, p. 43
  47. voir "Soleil dans une cambre vide" de Hopper
  48. Collectif Orsay 1997, p. 44
  49. voir la comparaison entre Intérieur avec femme lisant, Intérieur avec jeune fille en train de lire et Intérieur avec femme lisant une lettre
  50. Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 105
  51. Poul Vad dansCollectif Orsay 1997, p. 180
  52. Paul Vad, 1988, p. 502 cité par Kasper Monrad, Karsten Ohrt 2012, p. 125
  53. Collectif Orsay 1997, p. 145
  54. Collectif Orsay 1997, p. 144
  55. Collectif Orsay 1997, p. 146
  56. Collectif Orsay 1997, p. 148
  57. Collectif Orsay 1997, p. 149
  58. Collectif Orsay 1997, p. 150
  59. Collectif Orsay 1997, p. 154
  60. Collectif Orsay 1997, p. 155
  61. Collectif Orsay 1997, p. 156
  62. Collectif Orsay 1997, p. 157
  63. Collectif Orsay 1997, p. 158
  64. Collectif Orsay 1997, p. 160
  65. Collectif Orsay 1997, p. 164
  66. Collectif Orsay 1997, p. 165
  67. Collectif Orsay 1997, p. 166
  68. Collectif Orsay 1997, p. 167
  69. situation du musée
  70. Collectif Orsay 1997, p. 168
  71. Collectif Orsay 1997, p. 170
  72. Collectif Orsay 1997, p. 172
  73. Collectif Orsay 1997, p. 173
  74. Collectif Orsay 1997, p. 174
  75. Collectif Orsay 1997, p. 176
  76. Collectif Orsay 1997, p. 177
  77. Ida vente à Londres
  78. Déserts intérieurs, Camille Brunet, le 10/04/12 Présentation de l'exposition à lire sur L'Intermède
  79. « Hammershøi Maître de la peinture danoise= », sur musee-jacquemart-andre.com, (consulté le )

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[de] Vilhelm Hammershøi

Vilhelm Hammershøi (* 15. Mai 1864 in Kopenhagen; † 13. Februar 1916 in Kopenhagen) war ein dänischer Maler und gilt als Vertreter des Symbolismus. Seine melancholischen Interieurs, Porträts, Landschafts- und Architekturdarstellungen erinnern an den US-amerikanischen Maler James McNeill Whistler, den Hammershøi sehr verehrte. Dem auch als „dänischer Vermeer“ bezeichneten Maler wurden, seit seiner „Wiederentdeckung“ in den 1990er Jahren, Retrospektiven im Musée d’Orsay und im Solomon R. Guggenheim Museum gewidmet.

[en] Vilhelm Hammershøi

Vilhelm Hammershøi (pronunciation (help·info)), often anglicised as Vilhelm Hammershoi (15 May 1864 – 13 February 1916), was a Danish painter. He is known for his poetic, subdued portraits and interiors.[1]

[es] Vilhelm Hammershøi

Vilhelm Hammershøi (Copenhague el 15 de mayo de 1864 – Copenhague el 13 de febrero de 1916) fue un pintor danés. Trabajó sobre todo en su ciudad natal, realizando retratos, paisajes y especialmente una serie de interiores. Fue conocido por su manejo de la luz.
- [fr] Vilhelm Hammershøi

[it] Vilhelm Hammershøi

Vilhelm Hammershøi (.mw-parser-output .audiolink a{background:url("//upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8a/Loudspeaker.svg/11px-Loudspeaker.svg.png")center left no-repeat!important;padding-left:16px!important;padding-right:0!important}pronunciation[?·info]), spesso scritto in inglese Vilhelm Hammershoi (Copenaghen, 15 maggio 1864 – Copenaghen, 13 febbraio 1916) è stato un pittore danese, noto per i suoi ritratti ed interni poetici e sommessi.[1]

[ru] Хаммерсхёй, Вильгельм

Вильгельм Хаммерсхёй (дат. Vilhelm Hammershøi) — датский художник, представитель символистского направления в живописи.



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