Né dans une famille de paysans qui le destinait au métier de pharmacien, Achille Laugé fréquente l'école des beaux-arts de Toulouse de 1876 à 1881, en même temps qu'il fait un stage dans une pharmacie de cette ville. Il y fait la connaissance d'Antoine Bourdelle, Henri Martin et Henri Marre[1].
En 1882, Achille Laugé s'installe au no13 rue Radziwill à Paris et il entre à l'École nationale supérieure des beaux-arts[2]. Il y est successivement l'élève d'Alexandre Cabanel et de Jean-Paul Laurens jusqu'en 1886. Il y retrouve Bourdelle et rencontre Aristide Maillol qui a pu dire: «C'est Laugé qui m'a appris à mettre un homme debout»[2]. Il entretient une relation amicale toute sa vie avec eux. Laugé étant pauvre et Bourdelle aussi, ce dernier accepte avec reconnaissance de partager sa mansarde du no24 rue Bonaparte à Paris. Il partage l'atelier de Maillol, au no79 rue de Sèvres, et demeure dans la capitale jusqu'en 1888. Pendant cette période de formation, il subit l'influence de Georges Seurat, de Paul Signac et de Camille Pissarro. Aussi, quand il revient dans sa famille, il ne pratique pas la technique apprise aux Beaux-Arts mais adopte la division du ton. Il travaille d'abord à Carcassonne, au no13 rue des Jardins, et y noue de solides amitiés.
Il épouse en 1891 une jeune fille de la région, Marie-Agnès Boyer avec qui il aura quatre enfants: Pierre en 1892, Juliette en 1894, Jeanne en 1896 et Julien en 1900 (mort en 1910)[2]. En 1894, il expose trois toiles au Salon des indépendants. Les critiques parues dans la Revue Méridionale ne lui sont pas favorables. Le Journal de Trouville écrit: «Carcassonne a voulu épater Paris»[3]. La même année cependant, le journal La Dépêche expose à Toulouse plusieurs des tableaux présentés au Salon des indépendants en compagnie des peintres Louis Anquetin, Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels, Paul René Georges Hermann, Maxime Maufra, Ker-Xavier Roussel, Paul Sérusier, Henri de Toulouse-Lautrec, Félix Vallotton et Édouard Vuillard[2], un catalogue enrichi d'une lithographie originale de chacun des exposants étant édité[4].
Laugé est soutenu par un cercle d'amis: Achille Astre[5], appelé devenir le secrétaire de Gustave Geffroy et qui collectionne des œuvres de Toulouse-Lautrec; Jean Alboize, directeur de L'Artiste, puis conservateur du palais de Fontainebleau; Achille Rouquet, rédacteur de la Revue Méridionale; Albert Sarraut, qui lui demeurera toujours fidèle et, plus tard, lui fera obtenir des commandes de la Manufacture de la Savonnerie et de la Manufacture des Gobelins[6]. Le collectionneur Maurice Fabre de Gasparets, qui posséda, entre autres, Les Roulottes de Vincent van Gogh, fut parmi les premiers amateurs qui lui achetèrent des toiles.
Après la mort de son père, Achille Laugé s'installe à Cailhau, dans la région du Razès dont il devait si souvent peindre les genêts. Il choisit une vie simple et il aida le maçon du village à bâtir une maison modeste («l'Alouette»)[2]. C'est autour de cette maison qu'il trouve la meilleure source de son inspiration. Comme Claude Monet avait eu un bateau-atelier, Laugé imagine une charrette-atelier qu'il conduit jusqu'au motif[7], et dans laquelle il peint en plein air, parfois à l'huile, parfois au pastel, avant de reprendre son travail à l'atelier, «atteignant la maîtrise en redécouvrant pour son propre compte les lois du pointillisme sans avoir été en relation avec des fondateurs du néo-impressionnisme»[7]. Il simplifie, sans styliser, demeurant toujours naturel. En, il envoie au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1900 son tableau Devant la fenêtre, composé de deux figures et de fleurs sur fond de paysage, celui qu'il voyait de la fenêtre de son atelier (Paris, musée national d'art moderne)[8]. Cette toile est refusée, tout comme celle qu'il présente au Salon d'automne de 1908[9]. Lassé de ses insuccès aux Salons, il expose chez des marchands parisiens, notamment chez son ami Achille Astre, rue Laffitte, chez Alvin-Beaumont, Bernheim ou Georges Petit.
Vers 1905 - année où il conçoit une roulotte-atelier commodément adaptée à sa peinture sur le motif[10] - constatant l'insuccès de la technique qu'il pratique depuis près de vingt ans et pressé par le besoin, il adopte une manière moins stricte et, avec une pâte plus riche et une touche plus large, il peint avec plus de liberté. S'il commence en 1910 à peindre des cartons de tapisseries pour la Manufacture des Gobelins[2], il continue de peindre à Cailhau, mais aussi à Alet à partir de 1916, à Collioure où à partir de 1926[11] il passe chaque été, y retrouvant fréquemment Henri Martin, pour l'hiver préférer Toulouse (no17 rue Georges-Picot)[2], revenant parfois au pointillisme, donnant toujours dans ses paysages l'atmosphère du plein air.
En , rapporte Nicole Tamburini, Antoine Bourdelle lui écrit: «Toi, tu apportes une vision très personnelle, beaucoup de logique sereine et un beau don de l'unité dans l'amour de l'air lumineux qui règne jusque dans tes ombres»[2]. On retrouve en 1929 Achille Laugé voisin de Bourdelle (qui meurt cette année-là) lorsque, de retour à Paris, il installe son atelier, jusqu'en 1937 estime Nicole Tamburini, au no18 impasse du Maine[2].
Se retirant à Toulouse en 1940, Achille Laugé perd son épouse Marie-Agnès le et meurt à Cailhau le . Ses traits nous restent fixés par le buste en plâtre, «portrait émouvant d'un Laugé jeune et bouclé[12]» que modela Antoine Bourdelle et que conserve le musée des beaux-arts de Carcassonne[13].
Réception critique
«Il vit à Cailhau, où il est né, un petit village près de Carcassonne, dont il suggère bien dans son œuvre la sérénité et la torpeur. Quatre tons posés par petits points juxtaposés, le bleu, le jaune, le vert et le rouge, des pastels moins vibrants de couleurs; dans une atmosphère presque aveuglante, des chemins secs, blancs, des arbres en fleurs se découpant su le bleu du ciel; nul personnage, nulle anecdote, seulement quelques plantes indiquées par des tacles vives: c'est le pur paysage des Corbières.» - Gérald Schurr[14]
«Laugé aurait pu se contenter de faire partie de ces petits maîtres régionaux aux toiles pittoresques, attachantes parce que caractéristiques de leur terroir natal. Mais il n'est pas passé à côté du grand mouvement qui, dans la suite de l'impressionnisme, bouleverse la peinture à partir de la décennie 1880. L'emploi d'un nombre très restreint de couleurs pures et la touche divisée qui apparaissent dans l'essentiel de son œuvre évoquent une communauté de recherche picturale avec le néo-impressionnisme. Son orientation vers une nouvelle manière de peindre, associée à une poésie qui lui est propre, fait de lui mieux que le félibre qui chante son Languedoc natal et lui donne la dimension d'un artiste national.» - Nicole Tanburini[2]
La Manufacture des Gobelins dans la première moitié du XXe siècle, de Gustave Geffroy à Guillaume Jeanneau, 1908-1944, Galerie nationale de ta tapisserie, Beauvais, - .
Seurat et le néo-impressionnisme, Musée d'art de Kochi, Utsunomiya Museum of Art, National Museum of Modern Art, Kyoto, Seiji Togo Memorial Yasuda Museum of Art, Tokyo, juin-.
De Caillebotte à Picasso - Chefs-d'œuvre de la collection Oscar Ghez, Musée Jacquemart-André, Paris, - , Musée national des beaux-arts du Québec, Québec, - .
Le néo-impressionnisme, de Seurat à Paul Klee, Musée d'Orsay, Paris, mars-.
El neoimpressionismo, la eclosión de la modernidad, Fondation Mapfre, Madrid, avril-.
Georges Seurat, Paul Signac et les néo-impressionnistes, Palazzo Reale, Milan, - .
L'arbre dans la peinture de paysage de Corot à Matisse, 1850-1920, Musée Tavet-Delacour, Pontoise, avril-[21].
Londres, galerie Roland Browse et Delbanco, Achille Laugé, (catalogue, texte de Norman Adams).
Londres, Kaplan Gallery, (catalogue), juin-.
Paris, galerie Marcel Flavian, Rétrospective Achille Laugé, du au (catalogue, texte de Paul Mesplé).
Godeau, Solanet et Audap, commissaires-priseurs, deux ventes de l'atelier Achille Laugé, Hôtel Drouot, Paris, [28] et [29].
Achille Laugé - Portraits pointillistes, Saint-Tropez, musée de l'Annonciade, avril- et Carcassonne, Musée des beaux-arts, juin- (catalogue, texte de Pierre Cabanne et Michel Hoog).
Une rue et un espace culturel d'Arzens portent son nom.
Circuit Achille Laugé à Cailhau: un circuit de 6 km, incluant la voie verte, a été aménagé avec des pupitres présentant des reproductions de toiles peintes sur les lieux par Laugé[38],[39].
Journée Achille Laugé: deux fois par an (en juin et en septembre), exposition de reproductions et d’œuvres originales, diaporamas, vidéos, conférences, dédicaces et festivités, place Achille Laugé à Cailhau[40].
Victor Gastilleur (préface d'Albert Sarraut), Achille Laugé, peintre languedocien, Carcassonne, Servière et Patau, 1906.
Achille Astre, Achille Laugé, peintre et lithographe, in Souvenirs d'art et de littérature, Paris, Éditions du Cygne, 1930.
Jean Girou, Profils occitans - Antoine Bourdelle, Aristide Maillol, Achille Laugé, collection «À la porte d'Aude», Éditions d'art Jordy, Carcassonne, 1930.
Jean Ajalbert, Les peintres de la Manufacture nationale de tapisseries de Beauvais, Éditions Eugène Rey, 1933.
Jean Girou, Peintres du Midi, Paris, 1939, pp.97 à 118.
Charles Pornon, Achille Laugé et ses amis Bourdelle et Maillol, préface de Paul Mesplé et Albert Sarraut, Imp. Fournié pour le musée des Augustins, 1961, 35 p.
Pierre Cabanne, Le Midi des peintres, collection «Tout par l'image», Hachette, 1964.
François Daulte, Oscar Ghez et Ezio Gribaudo, Néo-impressionnistes et autour du néo-impressionnisme, Éditions du Petit-Palais, Genève, 1968.
Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, tome 2, Les Éditions de l'Amateur, 1972.
Larousse de la peinture, tome 1, 1979, p.995(lire en ligne).
Jean Cassou, Pierre Courthion, Bernard Dorival, Georges Duby, Serge Fauchereau, René Huyghe, Jean Leymarie, Jean Monneret, André Parinaud, Pierre Roumeguère et Michel Seuphor, Un siècle d'art moderne - L'histoire du Salon des Indépendants, Denoël, 1984.
Nicole Tamburini et Jean-François Mozziconacci, Achille Laugé 1861-1944, portraits pointillistes, catalogue de l'exposition de 1990 au musée des beaux-arts de Carcassonne et au musée de l'Annonciade de Saint-Tropez.
Gérald Schurr, Le Guidargus de la peinture, Les Éditions de l'Amateur, 1996.
Nico J. Brederoo et Rainer Budde, Pointillisme - Sur les traces de Seurat, coédition Musée Wallraf Richartz, Cologne, et Fondation de l'Hermitage, Lausanne, 1997.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et gravaurs, Gründ, 1999.
Emeline Garau, L'œuvre gravé et dessiné d'Achille Laugé, mémoire de Master I, Université du Mirail, Toulouse, 2007.
Jean Lepage, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs et architectes du Languedoc-Roussillon, Éditions Singulières, 2008.
Nicole Tamburini, Achille Laugé - Le point, la ligne, la lumière, catalogue de l'exposition du musée de Carcassonne, Limoux, Douai, Éditions Silvana Editoriale, 2009.
Annie Merle, L'École de Toulouse - Grands acteurs de l'art contemporain, Éditions Atlantica, 2010.
Christophe Duvivier, L'arbre dans la peinture de paysage entre 1850 et 1920, Éditions Somogy, 2012.
Jane Block, Ellen W. Lee, Marina Feretti-Bocquillon et Nicole Tamburini, The Neo-impressionnist Portrait, 1886-1904, Yale University Press, 2014.
Mario Ferrisi, Achille Laugé - les derniers chemins, Aquiprint, Édition Gironde, 2014.
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