Apprécié de son vivant, il fut considéré comme l'un des plus grands sculpteurs de son époque, jusqu'à sa mort sous le Second Empire. Ses œuvres ont connu une grande postérité[3].
Biographie
Enfance
James Pradier naît le à Genève, en Suisse, qui est annexée à la France révolutionnaire en 1798. Il est le quatrième enfant d'une famille descendant de protestants français (Huguenots) ayant fui le Languedoc après la révocation de l'Édit de Nantes[4]. Le père de Pradier est propriétaire de l'hôtel l'Écu de France, un petit établissement situé à Genève. Bien qu'appartenant à la petite bourgeoisie, la famille est loin d'être riche et ne peut payer des études aux enfants. Le père de Jean-Jacques décide donc de placer ses fils en apprentissage dès leur majorité —12 ou 13 ans à l'époque. Pradier et son frère aîné Charles-Simon Pradier(en) entrent ainsi dans l'atelier de Jean Détalla pour apprendre le métier de graveur sur montre[3].
Les apprentis les plus doués sont autorisés à s'inscrire aux cours de l'école publique de dessin. Jean-Jacques et son frère s'y inscrivent donc respectivement les 11 et . Très vite, Charles-Simon démontre des dispositions pour la peinture et grâce à une pension accordée par la municipalité de Genève, il décide de partir poursuivre sa formation à Paris[3].
Formation
Après avoir fini son apprentissage, Jean-Jacques rejoint son frère à Paris en 1807. Là-bas, il travaille pour François-Frédéric Lemot avant d'être admis dans son atelier à l'École des beaux-arts de Paris le , ainsi que dans ceux des peintres Charles Meynier et François Gérard. Suivant la mode de l'époque, c'est à cette époque qu'il adopte le prénom anglophone de «James»[3].
Pendant sa formation aux Beaux-Arts, il poursuit l'objectif du grand prix de Rome et entre en concurrence avec des artistes majeurs comme David d'Angers ou encore François Rude. En 1813, il concours pour le prix en sculpture. Il réalise le bas-relief Néoptolème empêche Philoctète de percer Ulysse de ses flèches et remporte la première place. Il est suivi par deux seconds prix: Flatters et Petitot[3].
Un an plus tard, le , Pradier arrive à l'Académie de France à Rome. Il côtoie là-bas plusieurs artistes de renom dont les sculpteurs Jean-Pierre Cortot, Jules-Robert Auguste et David d'Angers. Durant son séjour, il suit des cours de dessin dispensés par l'Académie de Saint-Luc et fréquente probablement les ateliers de Canova et Thorvaldsen. Il réalise plusieurs œuvres à l'Académie dont un Ganymède, un plâtre d'Orphée. Cependant, on possède peu d'autres informations de ces cinq années romaines[3].
Reconnaissance
Une nymphe ou Bacchante (1823), marbre, Mexico, Museo Nacional de San Carlos(en).
Pradier est de retour à Paris en 1819. Malgré son prix, il est encore inconnu dans la capitale et cherche à établir sa notoriété. Grâce à la commande du monument au duc de Berry et l'obtention d'une médaille d'or au Salon de 1819 pour la réalisation d’Une nymphe (musée des Beaux-Arts de Rouen)[5], il s'impose vite parmi les jeunes sculpteurs qui comptent[3]. En 1819, il reçoit sa première commande de l'État: les bustes des frères Montgolfier[3].
En 1827, il est élu à l'Académie des beaux-arts. Le titre d'académicien lui permet d'exposer ses œuvres au Salon sans passer devant le jury —dont il fait désormais partie. Peu après, il est nommé professeur de sculpture à l'École des beaux-arts de Paris le , où il remplace François-Frédéric Lemot[6]. En 1828, Pradier est nommé chevalier de la Légion d'honneur, ce qui vient marquer son ascension fulgurante et confirme son succès, faisant de lui un artiste de premier plan[3].
La longue carrière de Pradier, de 1819 à 1852, s'étend sur différents régimes politiques. Mais estimé, l'artiste reçoit des commandes de chacun d'entre eux. Il réalise notamment des commandes pour la chambre des députés en 1830 et la place de la Concorde (statues allégoriques de Lille et Strasbourg) en 1836. Enfin, il réalise l'ensemble sculpté du fronton du palais du Luxembourg en 1840[7].
En 1831, le domicile de l'artiste est situé au 4bis, rue des Beaux-Arts et son atelier au 3, rue Neuve-de-l'Abbaye[8].
En tant que peintre, il n'a produit que quelques aquarelles[9] et a exposé des peintures au Salon de 1837[10]. Une Académie d'homme debout portant sa signature est conservée au musée d'Art et d'Archéologie de Senlis[11].
Vie privée
Le Mariage de la Vierge (1840), Paris, église de la Madeleine. Le visage de la Vierge semble être réalisé d'après celui de Louise, la femme de Pradier[réf.nécessaire].
Pendant son séjour en Italie, James Pradier rencontre une jeune romaine qui le suit à Paris. Elle lui sert de modèle pour sa Psyché. Le sculpteur abandonne la jeune femme et s'éprend, peu après, de Juliette Drouet qui devient sa maîtresse en 1825 et dont naît une fille, Claire Gauvain (1826-1846). C'est Juliette Drouet ou son épouse Louise, qui sert de modèle au sculpteur pour la statue allégorique de Strasbourg, située à Paris, place de la Concorde. De même, on a voulu reconnaître les traits de Juliette Drouet dans le groupe en marbre Satyre et bacchante qui fit scandale au Salon de 1834[12]. Cette liaison prend fin dès que Juliette quitte Paris avec le prince Demidoff avec qui elle entretenait une liaison et le quitte ensuite pour Victor Hugo, alors ami de Pradier. James fait office de père pour Claire le temps de sa courte vie, ce qui compromet les rapports entre les deux artistes. Néanmoins, Victor Hugo mène le cortège avec James Pradier lors des obsèques de la jeune fille, morte à 20 ans[3].
Le , James Pradier épouse Louise Dupont née d'Arcet, fille de Jean-Pierre-Joseph d'Arcet. Il en fera de nombreux portraits dont trois sont aujourd'hui reconnaissables dans des images de la Vierge. Le premier, dans une toile de 1836 présentant une Vierge à l'enfant, le deuxième dans une peinture d'une Descente de Croix et le dernier dans la Vierge en marbre de la cathédrale Notre-Dame-des-Doms d'Avignon. En 1839, il fait également figurer le portrait de Louise dans la Comédie légère de la fontaine Molière. Ensemble, ils auront trois enfants: Charlotte née le , John né le , et Thérèse, née le . Les deux filles sont élevées à la maison d'éducation de la Légion d'honneur à Saint Denis[13]. Pradier fit de nombreux croquis et statuettes de ses enfants. Le , le sculpteur se sépare de sa femme qui dilapide leur argent par ses folles dépenses. Louise qui a contracté 100 000francs de dettes en est ainsi tenue responsable légalement. La garde exclusive des enfants revient à Pradier qui verse tout de même à son ex-épouse une pension annuelle de 1 000francs[3].
James Pradier meurt le d'une crise d’apoplexie survenue à Bougival lors d’une excursion à laquelle participent notamment sa fille benjamine Thérèse, l'institutrice de celle-ci nommée Adeline Chômat, Noémi Constant et Eugène Guillaume, respectivement élève et ancien élève de Pradier. L'acte de décès porte l'adresse «rue de Mesmes no150, à Rueil», qui correspond à la maison dans laquelle son corps a été transporté[14],[15]. Il est inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise[16]. Au lendemain de sa mort, sa sculpture de Sapho exposée au Salon est recouverte d'un voile noir[3].
Réception critique
Baudelaire dans son ouvrage Curiosités esthétiquesSalon de 1846 (p.87) a un avis mitigé sur le talent de Pradier: «Ce qui prouve l'état pitoyable de la sculpture, c'est que M.Pradier en est le roi. Au moins celui-ci sait faire de la chair, et il a des délicatesses particulières du ciseau; mais il ne possède ni l'imagination nécessaire aux grandes compositions, ni l'imagination du dessin. C'est un talent froid et académique»[17].
Au XIXesiècle, plusieurs courants et styles cohabitent dans les arts. Il est d'ailleurs difficile de regrouper des œuvres parfois très différentes sous la même étiquette. Les règles académiques sont encore d'actualité à cette époque et de nombreux artistes reprennent ainsi des sujets antiques souvent inspirés de la mythologie ainsi qu'une esthétique néo-classique et utilisent le marbre, matériau faisant référence à l'Antiquité. Mais, si certains artistes en reprennent les caractéristiques exactes, d'autres se laissent influencer par des mouvements parallèles[18].
C'est le cas de Pradier qui mêle à la fois dans ses œuvres un art antique et un art inspiré de la nature[3]. En effet, ce dernier fortement marqué par son passage à Rome, s'inspirera toute sa vie des thèmes inspirés de la mythologie et des récits antiques mais en mettant l'accent sur les figures (le thème majeur de son œuvre). Il représentera ses personnages avec des attributs et des vêtements anciens. Cependant, ses œuvres sont également marquées par différentes nuances romantiques. Il laisse transparaître la mélancolie et le drame qui font le lien avec l'histoire de ses héros. Enfin, les chairs de ses personnages, sensibles sous les drapés, seront toujours marquées par un fort naturalisme et un certain sensualisme. Pradier reste, comme beaucoup à son époque, un artiste ambivalent. Un des meilleurs exemples de son style demeure la sculpture de Sapho, conservée à Paris au musée d'Orsay. La tête baissée et la lyre délaissée, la poétesse victime d'un refus amoureux songe au suicide[18].
Œuvres dans les collections publiques
Canada
Montréal, musée des beaux-arts: Sapho debout, 1848, bronze argenté.
Chantilly, musée Condé; Henri d'Orléans, duc d'Aumale, buste en plâtre, 36,5 × 25 × 12 cm[23]
Compiègne, château de Compiègne: bracelet en malachite, 1841.
Dreux, chapelle royale: Monument funéraire de Françoise d'Orléans (1816-1818), Mademoiselle de Montpensier, fille de Louis Philippe, 1847, petit gisant en marbre.
Odalisque, mine de plomb sur papier, 20,4 × 16,5 cm[32]. Dessin préparatoire à la sculpture Odalisque assise datée de 1841, James Pradier y esquisse trois bustes de femme et d'homme, ainsi qu'une femme nue, assise sur un coussin. Elle incarne par son attitude nonchalante et sensuelle et les nombreux bijoux qu'elle porte l'image de l'odalisque dont rêvent les romantiques[33];
Portrait de Claire Pradier à l'âge de seize ans, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier, 33 × 25 cm[34]. Claire est la fille ainée de Pradier. Debout, dans une attitude pleine de fraîcheur, elle fixe intensément son père de ses yeux bruns. Elle ressemble beaucoup à sa mère Juliette Drouet, célèbre amante de Victor Hugo. De santé fragile, Claire meurt deux ans plus tard. Victor Hugo l'immortalise dans un poème des contemplations, évoquant «la douce Claire aux yeux noirs»[35];
Portrait de Claire Pradier à l'âge de seize ans, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier, 33,3 × 27,5 cm[36],[37];
Bacchante, pierre noire et estompe sur papier, 19 × 28,9 cm[38],[39];
Niobide blessé, pierre noire et estompe sur papier, 29,3 × 22,4 cm[40],[39];
Esquisse pour une Déploration, mine de plomb sur papier, 19,3 × 24,7 cm[41],[39];
Étude d'ensemble pour la Déploration (recto) . Vue de Rome depuis le Capitole (verso), mine de plomb sur papier, 19,5 × 27,2 cm[42],[39];
Études pour les Renommées de l'Arc de Triomphe de l'Étoile (recto). Étude pour Psyché (verso), plume, encre brune (recto) et mine de plomb (verso) sur papier, 20,6 × 27,1 cm[43],[39];
Cinq esquisses pour des sculptures. Buste du Christ, une corne d'abondance et une tête de taureau (verso). Feuille d'études, plume, encre brune et mine de plomb sur papier, 14,2 × 18,3 cm[44],[39].
église de la Madeleine: Le Mariage de la Vierge, 1840, groupe en marbre.
fontaine Molière, fronton: La Comédie sérieuse, La Comédie légère et le Génie assis, 1844, marbre.
hôtel des Invalides, église Saint-Louis des Invalides et tombeau de Napoléon Ier: Victoires, douze statues en marbre, dont:
Victoire de la Campagne d'Italie, 1795;
Victoire de la Campagne de Syrie, 1799;
Victoire de la Campagne de Pologne, 1807;
Victoire de la Campagne d'Espagne, 1808;
Victoire de la Campagne d'Autriche, 1809;
Victoire de la Campagne de Saxe, 1813;
Victoire de la Campagne de France, 1814;
Victoire de la Campagne de Belgique, 1815.
Institut de France, bibliothèque: François Just Raynouard, secrétaire perpétuel de l'Académie, 1845, buste en marbre[45].
jardin des Tuileries: Prométhée enchaîné.
musée du Louvre:
Phidias,1835, statue en marbre, 235 × 92 × 67 cm[46]
place de la Concorde, angle nord-est (côté rue de Rivoli): Lille et Strasbourg, statues en pierre.
musée d'Orsay: Sapho, 1852, statue en marbre[58]. La poétesse grecque est représentée tête baissée, considérant le suicide[59].
musée de la Vie romantique:
Le Duc d'Orléans, 1842, médaillon en bronze;
Femme tressant ses longs cheveux, 1843, bronze;
Sapho, 1848, réduction montée sur une pendule, garniture de cheminée complétée par une paire de candélabres à effigies féminines, bronze argenté.
palais Brongniart (Bourse): L'Industrie, 1851, statue en marbre.
palais Bourbon:
La Liberté et L'Ordre public, statues dans l'hémicycle;
L'Instruction publique, bas-relief sur une façade extérieure.
Poitiers, Musée Sainte-Croix: Mademoiselle de Montpensier (1816-1818), vers 1845, petit gisant en plâtre modèle de celui en marbre de la chapelle royale de Dreux[60]
1985-1986, Statues de Chair, sculptures de James Pradier, Paris, Genève.
Élèves
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L'Association des amis du sculpteur James Pradier (AASJP) est créée le [70] pour valoriser son œuvre et développer une meilleure connaissance de l'artiste[71].
Claude Lapaire, James Pradier et la sculpture française de la génération romantique, catalogue raisonné, Milan, Institut suisse pour l'étude de l'art, , 512p. (ISBN978-88-7439-531-6), p.13-237
Également intitulé Bacchante ou Bacchante couchée.
Auguste Dumont lui succèdera à son décès en 1852 (cf. Frédéric Chappey, «Les Professeurs de l'École des Beaux-Arts (1794-1873)», Romantisme, no93, 1996, pp.95-101.
Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l’école française au XIXesiècle: Peinture, sculpture, architecture, gravure, dessin, ligthographie et composition musicale, Madame Vergne, 1831, p.569 (en ligne).
Dont Portait de MmeP…, Salon de 1834 (cf. Bellier de La Chavignerie).
Émile Bellier de La Chavignerie et Louis Auvray, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours: architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et lithographes, T.2, Paris, Librairie Renouard, 1885, p.311 (en ligne sur Gallica).
Caroline Mathieu, Colin Lemoine, Thomas Schlesser, Joëlle Bolloch et Jérémie Cerman, Orsay, guide de visite, Paris, Artlys, 128p. (ISBN978-2-85495-405-0), p.16-17.
Emmanuelle Brugerolles (dir.), Le dessin romantique, de Géricault à Victor Hugo. Carnets d’études 50, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2021, p.36-38, Cat. 5.
Pierre Kjellberg, Le Nouveau guide des statues de Paris, Paris, La Bibliothèque des Arts, 1988.
Emmanuel Schwartz, Les Sculptures de l'École des Beaux-Arts de Paris. Histoire, doctrines, catalogue, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 2003.
Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française au dix-neuvième siècle. T. IV. N-Z, Paris, H. Champion, 1914-1921 (lire en ligne), p.100-112.
Collectif, Statues de Chair, sculptures de James Pradier (1790-1852), Paris-Genève, 1985-1986. — Catalogue de l'exposition éponyme.
Claude Lapaire, James Pradier et la sculpture française de la génération romantique (1790-1852). Catalogue raisonné, comprenant 578 œuvres répertoriés, Lausanne-Zurich, Institut suisse pour l'étude de l'art (SIK-ISEA), Milan 5 continents Éditions, 2010, 1 volume relié, texte en français, 504p., 800 illustrations en bichromie (ISBN978-88-7439-531-6).
Emmanuelle Brugerolles (dir.), Dessins de James Pradier dans les collections de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2006 (ISBN2-84056-225-1).
Iconographie
Eugène-Louis Lequesne, James Pradier, 1852, buste ornant sa sépulture au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Louis Desprez, James Pradier, 1888, buste en pierre ornant la façade de l'orangerie du jardin du Luxembourg à Paris.
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