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Lucien Coutaud, né le à Meynes (Gard), et mort le à Paris 14e, est un peintre et graveur français.

Lucien Coutaud
Naissance

Meynes
Décès
(à 72 ans)
14e arrondissement de Paris
Nom de naissance
Lucien Élie Antoine Coutaud
Nationalité
Française
Activités
Peintre, graveur, illustrateur
Distinction
Grand prix des beaux-arts de la Ville de Paris (d) ()

Parallèlement à sa carrière de peintre, il a travaillé comme décorateur pour le théâtre, la danse et l'opéra et il a également eu une activité de cartonnier de tapisserie dans le contexte du renouveau de la tapisserie d'Aubusson.


Biographie


Lucien Coutaud naît dans un petit bourg du Gard, entre Nîmes et Beaucaire. Son père Adrien Antoine Coutaud est horloger-bijoutier à Nîmes. Sa mère Françoise Célestine Priad est d'une ancienne famille meynoise. Il passe son enfance et son adolescence à Nîmes, mis à part un court séjour à Marseille en 1917. Assez tôt, il manifeste un caractère inquiet, secret, angoissé, différent de ses camarades et conscient de sa différence ; c'est un homme tourmenté, complexé et généreux à la fois. Dès la fin de sa scolarité, et après avoir effectué un apprentissage d’horloger chez son père, il intègre, en 1920, l’école des beaux-arts de Nîmes, où professe le graveur Armand Coussens. La même année, il se prend de passion pour les corridas, confrontation suprême de la vie et de la mort, avec son ami Albert Dubout, dont les dessins humoristiques, mais également les illustrations et les affiches marqueront plusieurs générations.

En , à vingt ans, Coutaud monte à Paris. Il fréquente les académies de Montparnasse. Il y est accueilli par l’écrivain Marc Bernard. Ce jeune Nîmois s’intéresse aussi bien aux Primitifs du Louvre, qu’à Chirico, Max Ernst et Paul Klee. En 1925, il fait pendant ses vacances à Nîmes la connaissance d’André Fraigneau pour qui il illustre Spectacles, son premier livre publié par Jo Fabre. Il est reçu à l’École des Arts décoratifs. En 1926, sur les conseils d’André Salmon, il rencontre Charles Dullin qui lui demande de réaliser les décors et les costumes des Oiseaux, la pièce d’Aristophane, adaptée par Bernard Zimmer, alors qu’il part vers la fin de l'année effectuer son service militaire, d'abord à Saint Cloud, puis à Mayence en Rhénanie.

En , il est de retour à Paris et, en 1929, peint ses premières toiles importantes : La Bicyclette, Femme et soldat, Soldats arrêtant une espionne, Jeune Fille aux trois roues. Rose Adler s’intéresse à son travail.

En 1930, il réalise ses premières gravures, à la pointe sèche sur zinc : Souvenir de Rhénanie, Trois amazones, La Cycliste, Le Matin. Il entre en relation avec l'écrivain Jean Blanzat.

En 1931, la galerie des Quatre Chemins, à Paris, lui organise sa première exposition particulière. Il se lie d'amitié avec Jean-Louis Barrault qui fait ses débuts sur scène au Théâtre de l'Atelier.

En 1932, il travaille presque exclusivement à la gouache, peignant de nombreux bouquets de fleurs et de grandes compositions ésotériques. Décors et costumes pour Le Château des Papes d'André de Richaud mis en scène par Charles Dullin au Théâtre de l'Atelier. Décors pour Vénus et Adonis d'André Obey mis en scène par Michel Saint-Denis et représenté par la Compagnie des Quinze. Il s’'intéresse aux activités du groupe surréaliste, lit Breton, Soupault, Aragon… mais ne s'engage pas tenant à garder son indépendance.

En 1933, il réalise des cartons de sièges pour Marie Cuttoli[N 1]. En 1934, il expose un ensemble de gouaches et dessins, du 9 au , à la galerie Vignon à Paris dirigée par Marie Cuttoli1.

En 1935, il entretient des relations amicales avec Jacques et Pierre Prévert ainsi qu'avec Jean Aurenche connu depuis 1929. Il rencontre Matisse et Picasso à Antibes. Pour une bibliophile, Madame Solvay, il illustre à la gouache Les moralités légendaires de Jules Laforgue. Marie Cuttoli1 lui commande un important carton de tapisserie : Paul et Virginie.

En 1936, il épouse le Denise Bernollin, une artiste parisienne rencontrée six ans auparavant. La galerie Jeanne Bucher-Myrbor lui organise en novembre une exposition particulière.

Début 1937, il s'installe 7 rue Antoine-Chantin. Il exécute une grande peinture murale, Le mythe de Proserpine, pour le Palais de la découverte (elle sera détruite en , lors des bombardements de Paris). Illustrations pour plusieurs plaquettes de poésie éditées par Guy Lévis Mano :

Il contribue par une illustration au cahier édité à l'occasion des représentations d’Ubu enchaîné mis en scène par Sylvain Itkine à la Comédie des Champs-Élysées.

En 1938, il crée pour Dullin, à l’Atelier, les décors et les costumes de Plutus, inspiré d’Aristophane. La même année, Jacques Copeau lui demande de réaliser le décor de Comme il vous plairade Shakespeare, pour le Mai musical de Florence.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Coutaud poursuit son activité de cartonnier de tapisserie pour la Compagnie des Arts Français dirigée par Jacques Adnet, tout en se consacrant surtout à la peinture.

En 1941, il participe à l’exposition Vingt jeunes peintres de tradition française à la galerie Braune et il crée pour Barrault les décors, accessoires et costumes de 800 mètres, d’André Obey, jouée au stade Roland-Garros.

En 1942, il réalise le carton de la tapisserie Orphée et les muses et à la fin de l’année, il s’installe au 26 rue des Plantes.

Premier Salon de Mai.
Premier Salon de Mai.

En 1943, il conçoit les décors et costumes du Soulier de Satin de Paul Claudel, mis en scène par Jean-Louis Barrault à la Comédie française. Il est, en 1944, l'un des membres fondateurs du Salon de mai.

En 1945, il expose une grande toile de 1944 au premier Salon de mai : Les Sept Fers. Il crée les décors et les costumes du Poète, un ballet de Boris Kochno, monté au théâtre Sarah Bernhardt par Roland Petit. Il séjourne à Collioure durant l’été à l’invitation de Willy Mucha. Il présente au Salon d'automne En rase campagne, jeune porteuse de pain métamorphosée en chaise.

En 1946, exposition particulière début mai à la galerie Roux-Hentschel à Paris. Nouveau séjour sur la côte catalane durant l'été. Il présente au Salon d'Automne une grande toile titrée L'Escalier de Mademoiselle Phèdre.

En 1947, exposition particulière galerie Bonaparte à Paris en janvier, et à la fin de l'année galerie Jérôme à Bruxelles. Il illustre de quatre eaux-fortes Rue de la Gaîté, Voyage en Bourgogne de Robert Desnos aux éditions Les 13 Épis. Il rencontre Boris Vian qui lui dédiera par la suite un poème intitulé Les isles . Il se rend au mois d'août à Lacoste admirer et dessiner les ruines du château du Marquis de Sade.

En 1948, il signe les décors du ballet Jeux de printemps, mis en musique par Darius Milhaud à l’Opéra-Comique. Il passe l’été en Bretagne à Belle-Île-en-Mer. Il expose à la galerie Maeght à Paris pour la présentation de Ma civilisation de Gilbert Lely illustré de onze eaux-fortes réalisées l'année précédente. Alain Resnais tourne un film de court métrage sur son œuvre.

En 1949, il grave une importante eau-forte, Jeune personne des environs de Joucas, pour la Guilde Internationale de la Gravure. Deuxième séjour à Belle-Ile. Décors et costumes pour Elisabeth d'Angleterre de Bruckner mis en scène par Jean-Louis Barrault au Théâtre Marigny.

En 1950, il peint les décors et les costumes des Éléments, un ballet de Serge Lifar présenté au Festival musical de Versailles. La même année, il illustre Une saison en enfer d'Arthur Rimbaud, à la demande de la société Les Bibliophiles de France.

En 1951, il achève d’illustrer de sept eaux-fortes Une Saison en Enfer d'Arthur Rimbaud pour les Cent bibliophiles de France et Overseas Book-Lovers (New York). Il participe à de nombreuses expositions collectives : Tokyo, Londres, Buenos Aires, Sao Paulo. La galerie Rive Gauche lui consacre une rétrospective du au . Il peint durant l'été sur les bords de la Loire des « Loirarbres » et des « Citarbres ».

En 1952, il participe à Sarrebruck à l'exposition Peinture Surréaliste en Europe organisée par Edgar Jené[N 3]. Un séjour à Trouville durant l'été lui fait découvrir la Manche. Il en rapporte de nombreuses gouaches.

En 1953, une rétrospective lui est consacrée au Musée d'Art Moderne de Kamakura au Japon. il réalise les décors et costumes de Médée de Cherubini, interprétée par Maria Callas, mise en scène par André Barsacq, au Mai musical de Florence. Au retour de Florence, il séjourne à Venise au palais Polignac. Il participation à l'exposition « Art fantastique » organisée à Ostende. Premier séjour durant l'été dans sa résidence normande, proche de Villerville, face à l'estuaire de la Seine : le Cheval de brique. Ce lieu sera désormais sa principale source d'inspiration.

En 1954, il compose Aqua, un carton de tapisserie pour la Chambre syndicale de la sidérurgie française. Il participe toujours à de très nombreuses expositions. Il présente en particulier neuf toiles à la section Art Fantastique de la Biennale de Venise. Il peint plusieurs toiles importantes : Eroticomagie, Plage de l'Eroticomagie, Corrida Eroticomagique qui sera acquise par la Vicomtesse Marie-Laure de Noailles, Eroticomarine.

En 1955, il réalise des décors et costumes pour Protée de Paul Claudel. Exposition galerie Sagittarius à New York. Décors et costumes pour Jeanne d'Arc de Charles Péguy à la Comédie-Française.

En 1956, Paysage taurin exposé au Salon de mai est acquis par le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Il illustre de quatorze eaux-fortes Le Taureau blanc de Voltaire pour Les Bibliophiles Comtois.

En 1957, il continue à peindre de nombreuses scènes taurines et tauromachies. Le Château Fadaise, puis les poissons et les navires composés de corps entremêlés apparaissent dans ses œuvres.

En 1958, reprise du Soulier de Satin de Paul Claudel par Jean-Louis Barrault au Théâtre du Palais Royal pour laquelle il recompose les décors et les costumes. Il peint le le premier ange dédié aux Cathares.

En 1959, la galerie David et Garnier lui consacre une exposition particulière, essentiellement sur le thème des femmes-fleurs, personnages composés de pensées et d'iris.

En 1960, il peint les cartons de trois grandes tapisseries Jardins exotiques pour le Paquebot France. Décors et costumes pour La guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux. Il se rend à Moscou et Leningrad pour la présentation de la pièce. Premier catalogue de son œuvre gravé et lithographié avec une préface de Jean Adhémar aux éditions Pierre Cailler à Genève. Après un séjour à Montauban, se rend à Montségur et en d'autres hauts lieux cathares.

En 1961, il présente au Salon de mai Taureaumagie cathare. Exposition particulière au Musée d'Oberhausen. Le village de Sauve, ses fourches et le château de Roquevaire entrent dans sa peinture.

En 1962, exposition particulière en février galerie André Weil où figurent des Faucheurs de vagues et de Belles demoiselles de mer. Rétrospective en mai - juin au musée Galliera avec Félix Labisse et Robert Couturier. Il dessine l'épée d'académicien de Jean Guéhenno.

En 1963, il se rend au Japon où il expose à la galerie Nichido de Tokyo un ensemble de peintures et gouaches de 1957 à 1963, exposition présentée ensuite à Osaka et Nagoya. En octobre, reprise du Soulier de Satin par Jean-Louis Barrault à l'Odéon-Théâtre de France pour laquelle il recompose à nouveau entièrement les décors.

En 1964, il participe à l'exposition Le Surréalisme. Sources, histoire, affinités à la galerie Charpentier à Paris. Il invente les Nîmois et les Nîmoises, personnages souvent composés d'architectures. Une monographie lui est consacrée par Pierre Mazars aux éditions Pierre Cailler. Il est nommé en octobre professeur chef d'Atelier de gravure à l'eau-forte à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, poste qu'il occupera jusqu'en 1975.

En 1965, rétrospective du au au Château-Musée de Cagnes-sur-Mer. Il continue à peindre des Nîmoises et compose aussi des Normandes et des Damarbres. Se prend d'intérêt pour le mystère des Templiers.

En 1966, il s'installe en novembre, 8 rue Garancière, à proximité de la place Saint-Sulpice.

En 1967, le grand prix de peinture de la ville de Paris lui est attribué pour Pigeon du de 1966. Il voyage à Cuba en juillet avec les peintres du Salon de mai. En 1968, il participe en juillet à l'exposition Trésors du Surréalisme au casino de Knokke-le-Zoute. Il peint de nombreuses compositions sur le thème des mains et des oreilles.

En 1969, il découvre au début de l'année l'Ile de Jersey et ses cygnes. Importante rétrospective de ses œuvres du au au musée Ingres à Montauban. Exposition galerie Goyert à Cologne du au . En 1970, il compose des roches, des maisons, des monuments faits de corps accumulés.

En 1971, il réalise un frontispice pour Château où Dieu est un Autre de René Nelli aux éditions Fata Morgana. Le Voyage dans la Lune de Cyrano de Bergerac qu'il illustre de vingt eaux-fortes est édité par le Club du Livre. Il peint en juillet une toile importante : Elles cherchent le crépuscule. À la fin de l'année le grand prix de l'Académie des beaux-arts lui est décerné.

En 1972, décors et costumes pour Socrate d'Erik Satie à l'Opéra de Marseille. Décors et costumes pour la Quatrième Journée du Soulier de Satin (ou Sous le vent des Iles Baléares) représentée en octobre au Théâtre d'Orsay par la Compagnie Renaud-Barrault.

En 1973 : exposition du au d'un ensemble de gouaches et gravures à la galerie Dantesca de Turin. Il peint plusieurs toiles sur le thème des dormeuses marines.

Lucien Coutaud meurt à Paris le . Selon sa volonté, il est inhumé dans le petit cimetière de Meynes auprès de sa mère.


Le peintre de l'éroticomagie


Le style figuratif de Coutaud, qui évolue vers l’abstraction onirique, est proche d’un surréalisme aux thématiques et aux couleurs méridionales : poésie de la tauromachie, dramaturgie de la mort. Ce peintre-poète qui fut l’ami de Jean Blanzat, André Fraigneau, Marc Bernard, Jean-Louis Barrault, Óscar Domínguez, Paul Éluard, Pablo Picasso, Jacques Prévert, Boris Vian, Gilbert Lely, Jean Paulhan, Yves Tanguy, Félix Labisse et Jean-Paul Sartre ne cessa de revendiquer son indépendance.

Lucien Coutaud a inventé le concept d'« éroticomagie »[1], peinture centrée sur un monde, sur un individu sans cesse livré à la métamorphose, mais toujours sexué, à l’image de la série des Taureaumagies, faites de corps entremêlés, ou de celle des Personnages-cygnes, et qui se sent poussé à se fondre, sans toujours y parvenir, et au risque de s’y perdre, en une communauté avec autrui. L’éroticomagie est la fusion charnelle et onirique de l’éros et de la magie, du réel et du rêve, du peintre et de son monde intérieur.

Lucien Coutaud a remarqué que « si l'on regarde longtemps un objet, il arrive un moment où l'attention se fatigue et où l'on ne pense plus à cet objet, mais à un autre, souvent très éloigné, parfois sans rapport avec le premier, mais auquel on pense avec plaisir. Il peint cette association de l'objet réel et de l'objet qu'il imagine ». Il fait une autre remarque : « quand, après avoir longtemps contemplé un objet, l'attention se porte sur un autre, la forme du premier se communique au second. Elle le contamine. Si l'on prend, par exemple, la forme du taureau et celle du torero, et que l'on contemple l'homme avant la bête, celle-ci prend un aspect humain. C'est ce qui explique que, pour représenter un taureau, Coutaud fasse un amalgame de corps humains auquel il ajoute deux cornes et des sabots ». Ainsi, observe Yvon Taillandier, « le taureau, symbole de la puissance virile, suggère à Coutaud l'idée de corps enlacés et emmêlés. De sorte que la scène de tauromachie devient, pour employer ce mot qu'il a inventé, une scène d'éroticomagie »[2].


Les grandes périodes de la peinture coutaldienne



La période rhénane (1927-1933)


Cette période débute alors que Coutaud effectue son service militaire à Mayence entre 1926 et 1928. Il découvre alors les paysages et les ciels rhénans d’où il fera émerger son fameux « bleu Coutaud » (bleu laiteux qui rappelle le gris des ciels), comme ses personnages androgynes, à l’instar de Jeune Fille aux trois roues, une huile sur toile de 1929.

Sur les toiles, on voit apparaître de nombreux personnages aux formes bleutées, hésitants, inquiets, vulnérables, des soldats, mais aussi des femmes, des espionnes. Déjà, l’angoisse, le monde clos le disputent à l’onirisme.


La période ésotérique (1934-1939)


Cette période est presque exclusivement constituée de gouaches. La palette de Coutaud s’enrichit considérablement. Les rouges, mais aussi le bleu méridional ou le vert marin, commencent à s’imposer. Le dessin devient plus précis et ébauche des formes qui seront propres au style de Coutaud, dont les thèmes de prédilection sont alors le bateau errant dans un paysage onirique, le cheval, les premiers bouquets de fleurs, les musiciens qui sont les frères des poètes, des personnages mélancoliques aux formes coupantes, aigües, aussi fantastiques qu’énigmatiques, et qui paraissent s’être échappés du décor d’un théâtre : le théâtre intérieur de l’artiste.

Ésotérisme[3] ? L’œuvre de Coutaud, sans s’y rattacher directement, entretient une relation avec la magie, et aussi avec la tradition ésotérique, comme en témoigne, par exemple, son hommage à Joséphin Peladan, comprenant l’eau-forte sur cuivre Au Sar Péladan, de 1951, et l’huile sur toile Adorno dédié au Sar Péladan, de 1957. Outre la référence à l’extravagant Péladan, on retrouve chez Coutaud des œuvres-hommages, telles que les tapisseries La Main magique (1944), La Chiromancie (1946), lecture divinatoire de la main, ou La Cartomancie (1946), art divinatoire par les cartes et le tarot ; ou, encore, La Lune noire (1951).

Coutaud a son surréalisme à lui, en retrait du mouvement du même nom ; il en va de même, du point de vue de la magie et de l’ésotérisme.


La période métaphysique (1940-1948)


Le , c’est la mobilisation générale. Le peintre est affecté, avec Jean Bazaine, à une unité de camouflage basée à Meudon. Le repli des troupes françaises le ramène à Angoulême, où, démoralisé par les évènements, il est hospitalisé après plusieurs malaises. On lui découvre un important diabète qui nécessitera, sa vie durant, des injections quotidiennes d’insuline. Coutaud est réformé le et regagne Paris.

Il recommence à peindre, dorénavant des natures mortes aux fruits tranchés qui reflètent parfaitement son état d’esprit comme celui, dramatique, de l’époque. La rencontre avec Paul Éluard s’avère fructueuse et empreinte d’une amitié et d’une admiration réciproques. Le poète n’apposera pas à la légère sa dédicace, sur un exemplaire du Livre ouvert : « À Lucien Coutaud que j’admire ».

Le Voleur, gouache sur carton de 1941, est historique car, en 1941, Coutaud l’expose dans le cadre de l’importante et célèbre exposition qui fait date, « Vingt jeunes peintres de tradition française », qui se tient à la galerie Braun, à Paris, et qui est la première manifestation de la peinture d’avant-garde française, résistant à l’idéologie nazie de l’« art dégénéré ».

Dans sa période métaphysique, ainsi baptisée par Georges Limbour, la période la plus historique de Coutaud, l’artiste ne peint plus les objets mais, bien souvent, leur charpente. Son univers recrache le réel, celui des pièces closes, des armoires hérissées de pointes, des villes désertes aveuglées par les rayons des projecteurs (des miradors), des paysages chaotiques ; toute structure n’est plus, désormais, que décharnée. La création de Coutaud prend toute son ampleur, se diversifie, s’impose par ses recherches et la puissance de sa thématique.

Cette période reflète les angoisses du peintre et le traumatisme de la guerre. Elle demeure, avant tout, celle des portes closes, des êtres métalliques, des fruits vidés de leur substance, des villes soumises à la terreur.


Belle-Île-en-Mer (1948-1949)


Belle-Île-en-Mer, après les heures noires de l’Occupation, agit comme une véritable renaissance. Révélation, aussi, de l’univers minéral, de la lumière, des bleus-verts de l’océan breton, des plages parsemées de rochers, des étendues désertes et silencieuses, fantomatiques et criblées de trous. Belle-Île marque ainsi le début du style Coutaud, l’art, la manière et la thématique qui lui collent le plus à la peau, dans l’imaginaire collectif.

Dans un premier temps, le tableau est constitué de plages jonchées de rochers. L’humain ne transparaît dans ce décor que par le truchement de formes anthropomorphes, que le peintre donne aux masses rocheuses. Dans un deuxième temps, les plages commencent à se peupler d’êtres hybrides, mélange de corps humains et de structures minérales fossilisées ; êtres sans épaisseur souvent troués ou ponctués de taches noires, comme dans Baigneurs aux points noirs, composés de parties parfois séparées les unes des autres et hérissées de pointes ; personnages parcourant ces étendues désolées en de silencieuses courses ou occupés à de mystérieuses besognes, comme dans Le Repasseur marin.

Plus tard, en 1951, séjournant à Cropet, village situé sur la rive nord de la Loire, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest d’Orléans, Coutaud, poursuivant son travail de fusion et de transmutation entre humain, minéral, végétal, et jouant avec les mots comme avec les formes, inventera les Loirarbres et les Citarbres, une série directement inspirée par les verts du paysage et les miroirs d’eau du fleuve.


Le Cheval de Brique (1952-1977)


 : Coutaud parcourt avec émerveillement la Côte Fleurie — la côte normande du pays d'Auge. Dès le mois de décembre, il se porte acquéreur d’une maison, située sur la commune de Villerville, à proximité de Honfleur, dans le Calvados. La peinture de Coutaud, qui a toujours été intensément liée à des lieux, qu’il intègre à sa mythologie personnelle, va trouver en Normandie son dernier et son plus important endroit de création.

Maison ? Il s’agit plutôt des communs et des écuries d’une propriété dont l'habitation principale a été détruite par un bombardement à la Libération. Lorsqu’il visite pour la première fois la propriété, Coutaud aperçoit un tas de briques et un cheval dans l’écurie : il baptise la maison « le Cheval de Brique ».

Sur les toiles de cette période, baigneurs et baigneuses s’enfoncent dans le sable, au milieu des « faucheurs de vagues ». Les couleurs sont vives, allant des dégradés de terre d’ombre aux bleus outremer, en passant par les ocres jaunes, les rouges vermillon ou les indigos. L’érotisme est omniprésent, notamment dans les « Taureaumagies ». Fascinante, l’ambiance n’en est pas moins inquiétante avec ce regard pessimiste que le peintre porte sur un monde toujours clos et sans espoir. Les toiles influencées par le Cheval de Brique vont s’accumuler, inaugurant un renouvellement total des formes et de nombreuses inventions[1].

La suite, ce sera notamment les séries suivantes : « Les Tauromachies » (1953) ; « L’Éroticomagie » (1954) ; « Les Taureaumagies » (1956) ; « Les Oiseaux fleuris » (1958) ; « Les Personnages-poissons » (1958) ; « Les Femmes-fleurs » (1959) ; « Les Cathares » (1959) ; « Le Château des Fourches » (1960) ; « Les Faucheurs de vagues » (1961) ; « Les Belles Demoiselles de mer » (1961) ; « Les Personnages architectures » (1964) ; « Les Damarbres » (1965) ; « Les Compositions aux mains et aux oreilles » (1968) ; « Les Personnages-cygnes » (1969) ; « Les Dormeuses marines » (1973) ou « Les Baigneuses du Cheval de Brique » (1974).

Coutaud se rend pour la dernière fois, du 14 au , au Cheval de Brique. Le , il meurt à Paris. Denise, son épouse, lui survivra près de neuf ans. Elle meurt à Paris le , à la veille d’une rétrospective consacrée à son mari.

Ironie du sort, le Cheval de Brique, revendu le , disparaît dans la nuit du , emporté vers la mer par un glissement de terrain.


Postérité


Depuis la disparition de Coutaud, en 1977, le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France s’est enrichi de nombreuses pièces grâce aux donations de sa veuve. Des donations ont aussi été faites au musée national d'art moderne à Paris (L’Escalier de mademoiselle Phèdre, 1946), au musée départemental de la tapisserie à Aubusson (quasiment tout ce qui concerne le travail de Coutaud pour la tapisserie et la décoration), au musée des beaux-arts de Nîmes (Taureaumagie cathare, 1961 ; Un quinze août nîmois, 1966) et au musée Eugène-Boudin à Honfleur (Les cinq Honfleurais du , 1962 ; Fragment de plage, 1974).

De nombreux musées ou institutions conservent des œuvres de Lucien Coutaud. Ses archives ont été déposées à la bibliothèque du Carré d’art de Nîmes.

« Dès le tout premier contact avec sa peinture, écrit Jacques Lagarde, un mot vient à l'esprit immédiatement : Surréalisme »[4], alors que Lucien Coutaud lui-même a réfuté toute appartenance à ce mouvement : « Toute sa vie, le peintre est le chroniqueur d'un univers dont il est le seul à avoir l'accès. Catalogué dans les décorateurs en tout genre, notamment en raison de sa collaboration avec le théâtre et l'exécution de nombreux cartons de tapisserie, Coutaud, selon Jacques Lagarde, ne comprenant rien à notre univers, en a découvert un à sa mesure et en est devenu l'échotier silencieux et scrupuleux, bâtissant petit à petit son œuvre dans l'angle mort des projecteurs de l'histoire de l'art du vingtième siècle »[5].


Réception critique



Œuvres



Décors, costumes



Tapisseries



Bibliophilie



Écrit



Collections publiques



Salons



Expositions particulières



Récompenses



Notes et références



Notes


  1. Marie Cuttoli, fondatrice de la galerie Myrbor puis de la galerie vignon a fortement contribué au renouveau des ateliers d’Aubusson dans les années 1930.
  2. Carlos Rodríguez Pintos (1895-1985) poète, typographe amateur.
  3. Edgar Jenè, né le 4 mars 1904 à Sarrebruck (Allemagne) et mort le 15 juin 1984 à La-Chapelle-Saint-André (France), est un peintre allemand, graphiste et surréaliste majeur.

Références


  1. Christophe Dauphin, Lucien Coutaud et l'Éroticomagie ; voir biblio.
  2. Yvon Taillandier, « La galerie de peintres contemporains - L'univers théâtral d'un peintre surréaliste : Lucien Coutaud », Connaissance des arts, n°65, juillet 1957, pp. 67-68.
  3. L’ésotérisme est un enseignement qui permet à l’homme de s’initier à des domaines cachés, illustrés par des symboles.
  4. Jacques Lagarde, Lucien Coutaud et son temps, Université Paris 1, 1990.
  5. « Lucien Coutaud et les terreurs de la modernité », La Gazette de l'Hôtel Drouot, n°31, 15 septembre 1989, page 45.
  6. Gérald Schurr, Le Guidargus de la peinture, Les Éditions de l'Amateur, 1996, pp.208-209.
  7. Lydia Harambourg, « Lucien Coutaud, un rêve surréaliste », La Gazette de l'Hôtel Drouot, n°24, 15 juin 2007, p.316.
  8. Faculté de pharmacie de Paris, le patrimoine artistique
  9. Lucien Coutaud, « interview à propos de son exposition à la galerie Lucie Weill, de son travail et de l'influence des surréalistes », émission Arts d'aujourd'hui, France Culture, 18 novembre 1967.
  10. Gérald Schurr, « Les expositions : le surréalisme de Lucien Coutaud », La Gazette de l’Hôtel Drouot, no 20, 17 mai 1974, page 20.
  11. Galerie Broomhead Junker
  12. Institut des beaux-arts.

Annexes



Bibliographie



Liens externes





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